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Contes & Fables

Nos vies sont remplies d’histoires riches en apprentissages. Au hasard de mes lectures je découvre des contes, des fables et des petites histoires que j’ai plaisir de partager avec vous. Bonne lecture !

© Les contes sont la propriété de leurs auteurs.

Contes & Fables
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Les maux du monde
Les deux loups
Le maître musicien
Les deux étrangers
La jarre abîmée
La légende du colibri
La grenouille sourde
Le cheval perdu
Parabole du colibri
Billet de 100 euros
Etoile de mer…
Le pouvoir des mots
Le génie menteur
Le coffre vide du laboureur
Appréciez ce que vous avez
Le porteur d’eau
L’âne et le puits
Félicia la fée sans pouvoir
Le soleil et le vent

Les maux du monde

Autrefois les enfants ne faisaient jamais d’indigestion.

Ils mangeaient des kilos de bonbons et de nougats et puis se blottissaient tranquilles sous les couvertures, comme un serpent ondule au soleil après avoir ingurgité une souris.

Certes, avoir à faire avec tous ces bonbons était un peu laborieux et stressant, et quelquefois il leur venait les larmes aux yeux. Mais manger des bonbons était mieux que ne pas les manger, ainsi personne n’avait envie de faire des manières : on prenait les choses comme elles étaient, les larmes et tout, et on pensait que dans l’ensemble ce n’était pas si mal.

Un jour arriva un docteur à l’air sérieux et renfrogné et plein de gros livres sous le bras. Il fit s’asseoir les enfants sur des bancs et commença à leur faire la leçon. Il leur parla de l’estomac, du poids et des chymes et des sucs gastriques et des humeurs et des acides et des sels, et de comment tout était dans un équilibre délicat et menaçant de s’écrouler d’un moment à l’autre dans un grand chambard.

Les enfants s’épouvantèrent, et avec la frayeur arrivèrent aussi les problèmes. Avant, en fait, sans le savoir, ils digéraient : quelquefois plus facilement, quelquefois moins, mais ils digéraient. À présent qu’ils connaissaient ce mot mystérieux et menaçant « digérer », et d’autres mots similaires et tout aussi inquiétants, ils étaient toujours préoccupés. « Réussirai-je à digérer aussi cela ? » se demandaient-ils avant de mettre quelque chose en bouche, « Est-ce digérable ? », « Quel effet cela aura sur mes processus digestifs ? », « Aurai-je une indigestion ? ». Et, puisqu’ils étaient préoccupés et qu’ils se posaient des tas de questions, ils portaient une grande attention à tout ce qui se passait en eux. À peine se présentait une petite douleur, que dis-je ?, un gargouillis, tout de suite une montagne de mots leur résonnait dans les oreilles : « et voilà, je n’ai pas bien digéré », « j’ai mangé quelque chose d’indigeste », « je dois prendre un digestif ». Avec pour résultat qu’ils ne parvenaient plus à manger, non seulement les bonbons et le nougat mais pas non plus la soupe et la viande, et ils ne s’amusaient plus.

Quand ils s’aperçurent qu’ils ne s’amusaient plus, les enfants firent une assemblée dans un pré vert aux fleurs jaunes et décidèrent ce qui suit. Primo, le docteur serait chassé à coups de pieds. Secundo, les bancs seraient dispersés et l’on ne devait plus aller à l’école. Tertio, personne ne devait plus utiliser ces mots inquiétants et menaçants.

Ainsi le docteur reçu un bon coup de pied au derrière, les bancs furent dispersés dans le pré et utilisés pour faire des pique-nique, et tous recommencèrent, dans un grand silence, à manger des kilos de bonbons et de nougat. Peu à peu, une paix souveraine régna.

Et la paix régna pour un temps. Jusqu’à ce que l’on entende un grand tintamarre en provenance de la chambre des grands. Curieux, les enfants apprirent la porte, et que virent-ils ? Après avoir été chassé, le docteur était allé voir les grands et ceux-ci l’avaient laissé parler, et parler… et ils s’étaient fait enseigner tout, non seulement de la digestion mais aussi des autres processus obscurs et terrifiants. Et maintenant, alors que le docteur trônait sur sa cathèdre et souriait satisfait, les grands hurlaient et se lamentaient et tapaient du pied. Ils avaient découvert tous les maux du monde.

Les enfants haussèrent les épaules et refermèrent la porte. Puis ils se mirent du coton dans les oreilles et se blottirent sous les couvertures avec un gros morceau de nougat.

Traduit de : Ermanno Bencivenga, La filosofia in ottantadue favole (i mali del mondo)

Les deux loups

Une légende amérindienne raconte qu’un jeune garçon se trouvait avec son grand-père dans une tente. Au loin, des loups hurlaient. Effrayé, l’enfant vint se réfugier près de son grand-père. Ce-dernier lui dit : « Ces loups que tu entends me font penser à ce que nous avons à l’intérieur de nous.

– Qui sont ces deux loups ? demande l’enfant.
– Le premier, c’est le loup de la générosité, de la solidarité, de la tolérance et de la joie. C’est celui qui nous porte à secourir ceux qui sont en danger ou dans le besoin, qui nous permet de nous remettre en question, d’être généreux et joyeux…
– Et l’autre, grand-père ?
– L’autre, c’est le loup de l’orgueil, des préjugés, du sectarisme, de l’arrogance et de la violence. Bien souvent dans ta vie, comme sous cette belle lune, ces deux loups vont se battre, tu les entendras hurler, cela fera du remue-ménage aussi à l’intérieur…
– Et lequel des deux gagne à la fin, grand-père ?
– Celui que tu ne nourriras, mon petit. Rappelle-toi que la face lumineuse de l’humanité est toujours présente, y compris dans ces moments de tourments. »

Il prit alors son petit-fils dans les bras, qui s’apaisa et s’endormit en souriant.

Extrait de : Transmettre. Ed. L’iconoclaste

Le maître musicien

Histoire que l’on m’a contée,
À travers vos lèvres, si vous la goûtez,
Elle poursuivra son chemin. Écoutez bien.

Il y avait, du temps de l’empire annamite, un musicien. Et ce musicien avait une épouse qui s’étonnait souvent de le voir faire une tête de trois pieds de long, lui qui avait pourtant bien du talent. Mais, à tous ses éloges, il répondait invariablement :

– C’est que j’aimerais tant et tant devenir maître musicien !

Un jour enfin, elle lui a demandé ce qu’était véritablement un maître musicien.

– Un maître musicien, lui a-t-il répondu, est un vieil homme, aveugle, aux cheveux blancs, et qui, par sa musique, peut accomplir des miracles.
– Très bien, lui a fait la jeune femme. Partons ! Mettons la route sous nos pas, empruntons les chemins, et nous verrons bien au hasard de nos rencontres, si tu parviens ou pas à devenir maître musicien.

Et les voilà partis.
Lui, de sa musique, réjouissant les gens.
Et elle, de son amour, l’encourageant.

Or, un jour où le musicien et son épouse traversaient une jungle épaisse, ils tombent nez à nez avec un tigre blanc qui les fixe de ses yeux jaunes. Le musicien, qui ne sait trop que faire pour tenter de sauver leurs vies, se met doucement à jouer de son instrument… Le tigre fasciné s’assoit sur son derrière et se met à l’écouter. Il écoute un moment, un bon moment – un très long moment à ce qu’il a semblé au musicien et à sa femme. Enfin, le fauve se lève, bat deux trois fois de la queue contre ses flancs et disparaît tranquillement entre les feuillages. Aussitôt, la femme saute au cou de son époux :

– Ça y est ! Ça y est ! Tu es devenu maître musicien ! Vois comme avec ta musique, tu as su miraculeusement écarté ce tigre de notre chemin !
– Mais non ! lui a répondu l’homme. Tu sais bien comme les animaux sont parfois intrigués par les sons… C’est vrai que cette histoire m’a donné quelques cheveux blancs. Mais crois-moi, je suis jeune encore, et je peux te dire qu’il n’y a là pas plus de miracles que je ne suis maître musicien.

Et les voilà partis.
Lui, de sa musique, réjouissant les gens.
Et elle, de son amour, l’encourageant.

Une autre fois, alors qu’ils s’étaient assis à l’ombre d’un immense manguier pour une sieste méridienne, et que lui improvisait sur son instrument, elle, à travers sa rêverie, s’aperçoit brusquement que, depuis un moment, les fruits murs de l’arbre tombent régulièrement, en bon rythme et parfaite cadence, sur la musique de son mari, et que chaque choc de mangue sur le sol en révèle à la fois l’intelligence et l’harmonie. Aussitôt, elle saute au cou de son époux :

– Ça y est ! Ça y est ! Tu es un maître musicien ! As-tu entendu comme, par miracle, cet arbre accompagnait ta musique ?
– Mais non ! lui a répondu l’homme. Ce devait être une illusion de nos oreilles… et qui sait si moi-même je ne cherchais pas accompagner la chute des fruits de l’arbre ? J’ai vieilli, c’est vrai, mais j’y vois encore assez clair pour te dire qu’il n’y a là pas plus de miracle que je ne suis maître musicien.

Et les voilà partis.
Lui, de sa musique, réjouissant les gens.
Et elle, de son amour, l’encourageant.

Enfin, par un matin de printemps, alors qu’ils approchaient d’un lac, et que lui modulait une vieille chanson, elle découvre avec étonnement que la vue de son époux a tellement baissé qu’il ne semble pas vouloir s’arrêter à la bordure de l’eau. Elle va pour le retenir quand, à sa plus grande stupéfaction, elle s’aperçoit qu’au son de la musique, l’eau se fige et se cristallise sous ses pas ! Elle rejoint aussitôt son époux et, le lac à peine traversé, se jette à son cou, pour lui dire le miracle qui vient de s’accomplir.

– Non, cette fois, lui a répondu l’homme, tu vas un peu trop loin… C’est vrai que je n’y vois plus rien, mais je sais comme parfois tu aimes à tordre la réalité pour me faire du bien. Hélas, il n’y a là encore pas plus de miracles que je ne suis maître musicien.

Soudain, à ces paroles, la femme s’est affaissée sur le sol. L’homme se précipite, à tâtons, pour lui porter secours mais il se rend vite compte qu’elle a cessé de respirer. Alors, il est pris d’un désespoir immense et ne sachant que faire, dans sa douleur, il se met à jouer une dernière fois pour elle… Et il a joué d’une manière telle qu’elle est doucement revenue à la vie. Aussitôt elle saute au cou de son époux :

– Ça y est ! Ça y est ! Tu es maître musicien !

Et cette fois, sans chercher à démêler l’affaire, à savoir si son époux était réellement revenu à la vie ou si elle lui avait joué une tendre comédie, le vieil homme, aveugle aux cheveux blancs, a su voir en un instant le miracle qu’il y avait en un tel amour.

Avec son épouse, il a repris le chemin,
Lui, de sa musique, réjouissant les gens.
Et elle, de son amour, l’encourageant.

Extrait de : Jean-Jacques Fdida – Contes des sages musiciens.

Un vieil homme était assis à l’entrée d’une ville. Un étranger venu de loin s’approche et lui demande : “Je ne connais pas cette cité. Comment sont les gens qui vivent ici ?”

Le vieil homme répond par une question : “Comment sont les habitants de la ville d’où tu viens ?

– Égoïstes et méchants, lui dit l’étranger. C’est pour cette raison que je suis parti.
– Tu trouveras les mêmes ici, lui répond le vieillard.”

Un peu tard, un autre étranger s’approche du vieil homme. “Je viens de loin, lui dit-il. Dis-moi, comment sont les gens qui vivent ici ?”

Le vieil homme lui répond : “Comment sont les habitants de la ville d’où tu viens ?

– Bons et accueillants, lui dit l’étranger. J’avais de nombreux amis, j’ai eu de la peine à les quitter.”

Le vieil homme lui sourit : “Tu trouveras les mêmes ici.”

Un vendeur de chameau avait suivi les deux scènes de loin. Il s’approche du vieillard : “Comment peux-tu dire à ces deux étrangers deux choses opposées ?” Et le vieillard lui répond : “Parce que chacun porte son univers dans son cœur. Le regard que nous portons sur le monde n’est pas le monde lui-même, mais le monde tel que nous le percevons. Un homme heureux quelque part sera heureux partout. Un homme malheureux quelque part sera malheureux partout.”

Cité par : Frédéric Lenoir – La puissance de la joie.

Le conte de la jarre abîmée nous invite à méditer sur ce qu’on considère habituellement comme des erreurs ou des manquements, pour reprendre confiance en soi.

 

Un porteur d’eau indien transportait deux grandes jarres aux extrémités de sa planche. L’une des jarres était fêlée et perdait presque la moitié de son précieux contenu au cours de chaque voyage, alors que l’autre conservait toute son eau de source jusqu’à la maison du maître.

La situation dura ainsi pendant deux ans. Deux ans au cours desquels le porteur d’eau ne livra qu’une jarre et demie d’eau, chaque jour, à son maître. Bien sûr, la jarre sans défaut était fière de sa performance : elle parvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faillir. Mais la jarre abîmée, elle, avait honte de son imperfection. Et se sentait démoralisée de ne pouvoir accomplir que la moitié de sa tâche.

Au bout de ces deux ans, qu’elle considérait comme un échec complet, la jarre abîmée dit au porteur d’eau, un jour qu’il la remplissait à la source :

« Je me sens coupable et je te prie de m’excuser…

– Pourquoi ? demanda le porteur d’eau. De quoi as-tu honte ?

– Depuis deux ans, je n’ai réussi à porter que la moitié de ma charge à notre maître à cause de cette brèche qui fait fuir l’eau. Par ma faute, malgré tous tes efforts, tu ne livres à notre maître que la moitié de l’eau prévue. Tu n’obtiens pas la reconnaissance complète de tes efforts », lui expliqua la jarre abîmée.

Touché par cet aveu et plein de compassion pour la jarre, le porteur d’eau lui répondit : « Je vais te demander quelque chose. Tout à l’heure, quand nous reprendrons le chemin du retour vers la maison du maître, je veux que tu observes les fleurs qui poussent sur le bord du sentier… »

Au fur et à mesure que le porteur d’eau avançait le long de la colline, la vieille jarre apercevait le bord du chemin couvert de fleurs baignées de soleil. Sur le moment, celles-ci lui mirent du baume au coeur. Mais à la fin du parcours, la tristesse l’envahit de nouveau : la jarre avait encore une fois perdu la moitié de son eau!

Le porteur d’eau dit alors à la jarre : « Ne t’es-tu pas aperçue que toutes ces belles fleurs, elles poussent de ton côté du chemin, alors qu’on n’en voit à peine du côté de la jarre en bon état? »

« J’ai toujours su que tu perdais de l’eau et j’en ai tiré parti. J’ai planté des semences de ton côté du chemin. Et chaque jour, tu les as arrosées de ton précieux contenu. Grâce à toi, j’ai pu pendant ces deux ans cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré la table du maître. Sans toi, jamais je n’aurais trouvé de fleurs aussi fraîches, aussi gracieuses, aussi colorées. »

Pour nourrir le besoin de contribuer et avoir foi en son pouvoir personnel d’action. La légende du colibri est une histoire d’origine amérindienne qui invite chacun à prendre sa part à hauteur de ses moyens. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas tout faire qu’il ne faut rien faire. Rien ne dit qu’une seule de nos actions ne peut changer la vie d’une personne.

Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux observaient le désastre, terrifiés et impuissants. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, les autres animaux, agacés par ses agissements dérisoires, lui dirent : “Colibri, tu es fou ! Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? 

« Non mais je fais ma part » répétait le petit colibri aux autres animaux incrédules. Et si chacun faisait de même ?

Pour se faire confiance et aller au-delà des critiques décourageantes

Une bande de grenouilles décida d’organiser une course. L’enjeu était d’être la première à arriver tout en haut d’une tour très haute.

Dès que la nouvelle de la course se répandit dans le village, des tas de grenouilles curieuses se rassemblèrent pour voir et soutenir les concurrentes.

Pleines de courage et de motivation, les candidates se placèrent sur la ligne de départ et commencèrent à grimper.

Mais très vite, les  grenouilles du public se mirent à faire des commentaires décourageants et négatifs: “Elles n’y arriveront jamais !”, “Elles sont bien trop lentes !”

Au bout de quelques minutes, certaines grenouilles en course se sentirent démotivées et abandonnèrent. Celles qui persévérèrent finirent par succomber à la fatigue.

Alors qu’il ne restait que quelques grenouilles en lice, les commentaires des grenouilles spectatrices reprirent de plus belle : “Pour qui se prennent-elles, si c’était possible, nous l’aurions déjà fait !” dirent certaines. “On n’a jamais vu pareille sottise, les grenouilles ne sont pas faites pour grimper !” dirent d’autres.

Au fil du temps, les dernières concurrentes firent gagner par le découragement.

Toutes. Sauf une.

Cette dernière grenouille grimpait lentement, sans relâche, tandis qu’autour d’elle les commentaires se faisaient de plus en plus négatifs : « Descends, tu n’y arriveras jamais ! ». « Tu es ridicule ! ».

Pourtant, la petite grenouille continua à avancer, lentement mais sûrement, sans faiblir.

Après un dernier effort, elle finit par gagner le sommet. Toutes les autres grenouilles se précipitèrent autour d’elle pour savoir comment elle avait fait pour réaliser ce que personne au monde n’avait encore jamais fait. L’une d’entre elles s’approcha pour lui demander sa recette.

C’est alors qu’elle découvrit que la petite championne était sourde…   

C’était un homme bon, élevé par une famille qui valorisait l’amour et l’altruisme. Et c’est pour cette raison, il était très respecté et admiré par toutes les personnes qui le connaissaient.

Les habitants du village considéraient également ce fermier comme un homme très sage et, par conséquent, ils allaient le voir à chaque fois qu’ils avaient besoin de conseils dans leur vie. Il traitait tout le monde avec affection et attention , offrant des mots de réconfort et de positivité, et il semait la paix partout où il allait.

Un beau jour, le fermier se trouvait tranquillement dans sa ferme, quand il remarqua un cheval s’approcher. Il ne savait pas pourquoi l’animal était arrivé sur ses terres, mais il ne l’empêcha pas de rentrer. Le cheval était très blanc et avait l’air bien soigné, avait une élégance naturelle et semblait être de race pure.

Les jours passèrent et le cheval ne partait pas, alors il le garda et l’animal commença à vivre sur ses terres.

Les gens qui vivaient dans le village apprirent la nouvelle et commencèrent rapidement à parler. Selon les lois du village, comme le cheval était arrivé à la ferme de lui-même, il appartenait au fermier. Puis, chaque fois que quelqu’un voyait le fermier, il commentait: «Wow, quelle chance!», «Félicitations! C’est une bonne nouvelle », mais l’homme, toujours très sensé, répondait :« Peut-être… ( plusieurs fois) , ce qui semble être une bénédiction, en fait est une malédiction ».

Tout le monde ne comprit pas la pensée de l’homme et ils commencèrent à le qualifier d’ingrat. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’un cheval pur-sang qui coûte beaucoup d’argent apparaît soudainement sur vos terres et que vous en devenez propriétaire. Comment cela pourrait-il être une malédiction ?!

Au bout de quelques mois, l’hiver arriva, et un matin, quand le fermier se leva, il se rendit compte que la porte de l’écurie, où se trouvait le cheval, était ouverte et qu’il était parti ou avait été volé. Comme d’habitude, la nouvelle se répandit rapidement dans le village et les voisins commencèrent à aller voir le fermier. Cependant, l’homme était calme et les réconforta en disant que tout allait bien. Encore une fois, il répéta la phrase: « Souvent, ce qui semble être une bénédiction est en fait une malédiction. » Les gens, ne comprenant toujours pas son comportement, pensaient qu’il était fou.

Le fermier ne s’attendait plus au retour du cheval et continua sa vie, comme d’habitude, jusqu’à ce qu’un après-midi de printemps, alors qu’il travaillait sur sa terre, il entendit un hennissement venant de loin. 

Quand il regarda devant lui, il vit la silhouette de son cheval perdu, à la crinière plus brillante que jamais. Cependant, il n’était pas seul, 20 chevaux de plus, aussi incroyables que le sien, l’accompagnaient. Le fermier était ravi de la scène.

Les animaux, suivis de leur chef, restèrent également à la ferme et devinrent également la propriété de l’homme. Les voisins du village félicitèrent à nouveau l’homme. Lui, humble comme toujours, répondit: « Souvent, ce qui semble être une bénédiction est en fait une malédiction ».

Le fermier n’était pas un homme ambitieux, mais il n’était pas ingrat non plus. Malgré ce que beaucoup pensaient, il ne se débarrassait pas des chevaux qui arrivaient sur ses terres, il voyait juste au-delà de ce que beaucoup pouvaient voir. Il savait que tout n’était pas doré et que les chevaux, bien que beaux, étaient sauvages et devaient être apprivoisés, un par un, ce qui demandait beaucoup de temps, surtout avec juste lui et son fils pour faire le travail.

Au début de l’automne, le fils du fermier décida d’apprivoiser le plus sauvage des chevaux, et malgré son expérience, le cheval lui cassa la jambe. Les voisins, apprenant à nouveau la nouvelle, amenèrent des médicaments pour le fils du fermier et dirent au père: « Nous sommes désolés … quelle malchance! » Comme d’habitude, le fermier répondit seulement: « Souvent, ce qui semble être une bénédiction est en fait une malédiction. »

Après une semaine, la guerre en Chine commença. L’empereur recruta tous les jeunes du village. Le seul qui fut épargné était le fils du fermier, car il était incapable de se battre à cause de sa jambe cassée.

Ce n’est qu’à ce moment-là que les habitants du village comprirent la pensée du fermier. «Souvent, ce qui semble être une bénédiction est en fait une malédiction», nous devons apprendre à voir les situations de notre vie avec sagesse et conscience , car les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être.

Depuis, cette fable chinoise est transmise de génération en génération, pour que personne n’oublie que rien n’est bon ou mauvais en soi, mais cela dépend du rôle que cela joue dans nos vies.

Dans ce cas, l’apparition des chevaux, après une malédiction, s’est avérée être une bénédiction, car elle a épargné le fils de l’homme des horreurs de la guerre, mais on ne peut pas toujours juger les choses aussi vite, car on peut être surpris.

Un jour, dit la légende, dans une grande forêt ancienne, remplie d’arbres et de plantes, vivaient de nombreux animaux différents. Avec l’arrivée de l’été, la sécheresse commença à provoquer des incendies dans l’immense forêt. Le feu se propageait rapidement, ce qui effraya les animaux. Ils commencèrent alors à fuir pour sauver leur vie.

Tous les animaux suivirent la même direction, s’éloignant le plus possible du feu. Néanmoins, un petit colibri commença à attirer l’attention, car il volait dans la direction opposée des autres animaux.

Le jeune colibri volait avec conviction et détermination, s’enfonçant de plus en plus dans la forêt, jusqu’à la découverte d’un lac. Puis il remplit son bec de quelques gouttes d’eau pour les jeter sur les flammes. Comme son bec ne pouvait contenir que peu d’eau, il répéta le processus plusieurs fois. Même si cela n’avait qu’un faible impact sur l’incendie, il ne renonçait pas et continuait ses allers-retours.

Les autres animaux, qui vivaient aussi dans la forêt, étaient surpris de cette persistance. Ils étaient convaincus qu’on ne pouvait plus rien faire et que la seule solution était de partir pour recommencer une vie ailleurs.

Après un moment, un animal lui demanda:

– "Qu’est-ce que tu fais? Pourquoi ne fuis-tu pas le feu pour essayer de sauver ta vie ?"

Le colibri regarda alors ses compagnons quitter la forêt, pris une profonde inspiration et répondit:

– "Ma vie est dans cette forêt, mon nid et tout ce que j’ai construit, ainsi que vous tous. Je ne veux pas qu’elle soit détruite, et cela me briserait le cœur de savoir que je n’ai pas agi pour essayer de la sauver. Donc, je fais mon possible pour lutter contre ce feu et sauver ce qui compte pour moi."

Certains animaux, agacés par cette agitation dérisoire, lui dirent :

– "Mais tout ce que tu peux faire, c’est jeter quelques gouttes d’eau sur ce feu. Ce n’est pas avec ces quelques gouttes que tu vas pouvoir éteindre le feu !"

Après cela, le colibri répondit tout simplement:

– "Vous avez peut-être raison, mais moi au moins je fais ma part."

 

La grande détermination du colibri toucha de nombreux animaux et ils prirent conscience que l’effort d’un seul ne suffirait pas, mais que si tout le monde s’y mettait ensemble, ils pourraient certainement éteindre le feu et sauver leur forêt.

Tous les animaux se mirent alors à faire de nombreux allers-retours jusqu’au lac pour transporter le plus d’eau possible. Après une lutte acharnée, ils parvinrent à éteindre les flammes et retrouvèrent leur maison.

JEAN-CHARLES R

Un conférencier bien connu commence son séminaire en tenant bien haut un billet de 100 euros. Il demande aux gens :

“Qui aimerait avoir ce billet ?”
Les mains commencent à se lever, alors il dit :
“Je vais donner ce billet de 100 euros à l’un d’entre vous mais avant laissez-moi faire quelque chose avec.”
Il chiffonne alors le billet avec force et il demande :
“Est-ce que vous voulez toujours ce billet ?”
Les mains continuent à se lever.
“Bon, d’accord, mais que se passera-t-il si je fais cela.”
Il jette le billet froissé par terre et saute à pieds joints dessus, l’écrasant autant que possible et le recouvrant des poussières du plancher.
Ensuite il demande :
“Qui veut encore avoir ce billet ?”
Évidemment, les mains continuent de se lever !

“Mes amis, vous venez d’apprendre une leçon… Peu importe ce que je fais avec ce billet, vous le voulez toujours parce que sa valeur n’a pas changé, il vaut toujours 100 euros. Alors pensez à vous, à votre vie. Plusieurs fois dans votre vie vous serez froissé, rejeté, souillé par les gens ou par les événements. Vous aurez l’impression que vous ne valez plus rien mais en réalité votre valeur n’aura pas changé aux yeux des gens qui vous aiment !”


La valeur d’une personne ne tient pas à ce que l’on a fait ou pas, vous pourrez toujours recommencer et atteindre vos objectifs car votre valeur intrinsèque est toujours intacte.

Alors qu’il marchait à l’aube sur la plage, le vieux vit devant lui un jeune homme qui ramassait des étoiles de mer et les jetait à l’eau.

Il finit par le rejoindre et lui demanda pourquoi il agissait ainsi. Le jeune homme lui répondit que les étoiles de mer mouraient s’il les laissait là jusqu’au lever du soleil.
« Mais la plage s’étend sur des kilomètres et il y a des millions d’étoiles de mer, répliqua-t-il. Quelle différence cela va-t-il faire ? »
Le jeune homme regarda l’étoile de mer qu’il tenait dans sa main et la lança dans l’écume.

Il répondit : « cela fera une différence pour celle-ci. »

Un orateur parle du pouvoir de la pensée positive et des mots.
Un participant lève la main et dit:
“Ce n’est pas parce que je vais dire bonheur, bonheur, bonheur! que je vais me sentir mieux, ni parce que je dis malheur, malheur, malheur! que je me sentirai moins bien: ce ne sont que des mots, les mots sont en eux-mêmes sans pouvoir…”
L’orateur répond:
“Taisez-vous espèce d’idiot, vous êtes incapable de comprendre quoi que ce soit !”
Le participant est comme paralysé, il change de couleur et s’apprête à faire une repartie cinglante: “Vous, espèce de…”

L’orateur lève la main : “Je vous prie de m’excuser. Je ne voulais pas vous blesser. Je vous prie d’accepter mes excuses les plus humbles”
Le participant se calme.
L’assemblée murmure, il y a des mouvements dans la salle.
L’orateur reprend:
“Vous avez la réponse à la question que vous vous posiez : quelques mots ont déclenché chez vous une grande colère. D’autres mots vous ont calmé. Comprenez-vous mieux le pouvoir des mots ?”

Il y avait une fois un jeune prince qui trouvait les gens autour de lui méchants et égoïstes. Il en parla un jour à son précepteur qui était un homme sage et avisé et qui confia une bague au prince.

– « Cette bague est magique. Si tu la tournes trois fois sur elle-même, un génie t’apparaîtra. Toi seul le verra. Chaque fois que tu seras insatisfait des gens, appelle-le. Il te conseillera. Mais fais attention : ce génie ne dit la vérité que si on ne le croit pas. Il cherchera sans cesse à te tromper. »
Un jour, le prince entra dans une violente colère contre un dignitaire de la cour qui avait agi contre ses intérêts. Il fit tourner trois fois la bague. Aussitôt, le génie apparut:
– « donne-moi ton avis sur les agissements de cet homme, dit le prince. »
– « S’il a fait quelque chose contre toi, il est indigne de te servir. Tu dois l’écarter ou le soumettre. » À ce moment, le prince se souvint des paroles étranges de son précepteur.
– « Je doute que tu me dises la vérité », dit le prince.
– « Tu as raison », dit le génie, « je cherchais à te tromper. Tu peux bien sûr asservir cet homme, mais tu peux aussi profiter de ce désaccord pour apprendre à négocier, à traiter avec lui et trouver des solutions qui vous satisfassent tous deux. »
Parcourant un jour la ville avec quelques compagnons, le prince vit une immense foule entourée un prédicateur populaire. Il écouta un instant le prêche de cet homme et fut profondément choqué par des paroles qui contrastaient violemment avec ses propres convictions. Il appela le génie.
– « Que dois-je faire ? »
– « Fais-le taire ou rends-le inoffensif », dit le génie. « Cet homme défend des idées subversives. Il est dangereux pour toi et pour tes sujets. » Cela me paraît juste, pensa le prince. Mais il mit néanmoins en doute ce que le génie avait dit.
-« Tu as raison », dit le génie, « je mentais. Tu peux neutraliser cet homme. Mais tu peux aussi examiner ses croyances, remettre en cause tes propres certitudes et t’enrichir de vos différences. »
Pour l’anniversaire du prince, le roi fit donner un grand bal où furent conviés rois, reines, princes et princesses. Le prince s’éprit d’une belle princesse qu’il ne quitta plus des yeux et qu’il invita maintes fois à danser sans jamais oser lui déclarer sa flamme. Un autre prince invita à son tour la princesse. Notre prince sentit monté en lui une jalousie profonde. Il appela alors son génie.
– « Que dois-je faire, selon toi ?  »
– « C’est une crapule », répondit le génie. « Il veut te la prendre. Provoque-le en duel et tue-le.  » Sachant que son génie le trompait toujours, le prince ne le crut pas.
– « Tu as raison », dit le génie, « je cherchais à te tromper. Ce n’est pas cet homme que tu ne supportes pas, ce sont les démons de tes propres peurs qui se sont éveillés quand tu as vu ce prince danser avec la princesse. Tu as peur d’être délaissé, abandonné, rejeté. Tu as peur de ne pas être à la hauteur. Ce qui se réveille en toi dans ces moments pénibles te révèle quelque chose sur toi-même.  »
À l’occasion de la réunion du grand conseil du royaume, un jeune noble téméraire critiqua à plusieurs reprises le prince et lui reprocha sa façon de gérer certaines affaires du royaume. Le prince resta cloué sur place face à de telles attaques et ne sut que répondre. L’autre continua de plus belle et à nouveau le prince se tut, la rage au cœur. Il fit venir le génie et l’interrogea.
– « Ôte-lui ses titres de noblesse et dépouille-le de ses terres », répondit le génie. « Cet homme cherche à te rabaisser devant les conseillers royaux. »
– « Tu as raison », dit le prince. Mais il se ravisa et se souvint que le génie mentait.
– « Dis-moi la vérité » continua le prince.

– « Je vais te la dire », rétorquai le génie, « même si cela ne te plaît pas. Ce ne sont pas les attaques de cet homme qui t’ont déplu, mais l’impuissance dans laquelle tu t’es retrouvé et ton incapacité à te défendre. »

Un jour, dans une auberge, le prince vit un homme se mettre dans une colère terrible et briser tables et chaises. Il voulut punir cet homme. Mais il demanda d’abord conseil au génie.
– « Punis-le », dit le génie. « Cet homme est violent et dangereux. »
– « Tu me trompes encore », dit le prince.
– « C’est vrai. Cet homme a mal agi. Mais si tu ne supportes pas sa colère, c’est avant tout parce que tu es toi-même colérique et que tu n’aimes pas te mettre dans cet état. Cet homme est ton miroir. »
Une autrefois, le prince vit un marchand qui voulait fouetter un jeune garçon qui lui avait volé un fruit. Le prince avait vu filer le vrai voleur. Il arracha le fouet des mains du marchand et était sur le point de le battre lorsqu’il se ravisa.
– « Que m’arrive-t-il », dit-il au génie. « Pourquoi cette scène m’a-t-elle mis dans cet état ? »
– « Cet homme mérite le fouet pour ce qu’il a fait », répondit le génie.
– « Me dis-tu la vérité ? »
– « Non », dit le génie. « Tu as réagi si fortement parce que l’injustice subie par ce garçon t’a rappelé une injustice semblable subie autrefois. Cela a réveillé en toi une vieille blessure. »
Alors le prince réfléchit à tout ce que le génie lui avait dit.
– « Si j’ai bien compris », dit-il au génie, « personne ne peut m’énerver, me blesser ou me déstabiliser.

Ton agacement face aux autres est comme un feu qui s’allume en toi et qui peut te brûler, te consumer, te détruire. Mais il peut aussi t’illuminer, te forger, te façonner et faire de l’autre un allié sur le chemin de ta transformation. Toute rencontre difficile devient alors une confrontation avec toi-même, une épreuve, une initiation. »

– « J’ai besoin de savoir encore une chose », dit le prince. « Qui es-tu ? »
– « Je suis, ton reflet dans le miroir. »

Un laboureur entend un bruit bizarre sous le soc de sa charrue.
Il va voir, et déterre un coffre rempli de pièces d'or.
Une fortune pour lui ! Il l'enterre au fond de son jardin. Qu'en
faire ? Il imagine quantité d'achats possible et décide finalement... de ne rien décider. Ce coffre de pièce d'or, ce trésor sera sa sécurité en cas de coup dur.
Et cette sécurité change son caractère : de tendu, le voilà relaxé, de grincheux il devient aimable, d'intolérant il devient tolérant…
Il vit une belle vie, heureuse, sachant que quoiqu'il lui arrive de matériel, il pourra faire face.
Sa dernière heure arrive, avant d'expirer, il réunit autour de lui
ses enfants et leur livre son secret. Puis il meurt.

Le lendemain, ils creusent à l'endroit indiqué, et trouvent le coffre, mais... il est VIDE !
Le laboureur s'était fait voler son or des dizaines d'années
auparavant !
Ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est de voir que ce n'est pas le fait d'être riche qui lui donnait de la sécurité
et du bonheur, mais l'IDEE qu'il en avait.
Non pas le fait lui-même mais son interprétation.
Lorsque vous avez une idée qui vous fait du mal, pensez à cette histoire.

Est-ce vraiment le fait lui-même qui vous fait du mal, ou les pensées que vous lui accordez ?
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"Attention aux petites dépenses : une petite fuite fait sombrer un grand navire."

Benjamin Franklin
 
"Si vous ne recevez pas de compliment, offrez-vous en un." 

Mark Twain

Un jour, le père d'une très riche famille amène son fils à la
campagne pour lui montrer comment vivent les pauvres.
Ils passent quelques jours sur la ferme d'une famille qui n'a
pas beaucoup à leur offrir.
Au retour, le père demande à son fils. :
"As-tu aimé ton séjour ?"
"C'était fantastique papa !"
"As-tu vu comment vivent les gens pauvres ?" Demande encore le père.
"Ah oui !" Répond le fils
"Alors qu'a-tu appris ?"
Le fils lui répond :

"J'ai vu que nous n'avions qu'un chien alors qu'ils en ont quatre.
Nous avons une piscine qui fait la moitié du jardin et ils vont
dans une grande crique sur la mer.
Nous avons des lanternes dans notre jardin et eux ont des étoiles partout dans le ciel.
Nous avons une immense galerie à l'avant et eux ont l'horizon.
Nous avons un domaine mais eux ont des champs à perte de vue.
Nous avons des serviteurs alors qu'eux servent les autres.
Nous achetons nos denrées et eux les cultivent.
Nous avons des murs autour de la propriété pour nous protéger.

Eux ont des amis qui les protègent."
Le père en resta muet.
Le fils rajouta, "Merci Papa de m'avoir montré tout ce que nous
n'avons pas".
Trop souvent nous oublions ce qui nous est acquis pour nous
morfondre sur ce que nous n'avons pas.
Ce qui est un objet sans valeur pour un peut très bien être un
trésor pour un autre. Ce n'est qu'une question de perspective.
C'est à ce demander ce qui arriverait si on rendait grâce
pour tout ce que nous avons au lieu d'en vouloir plus.
Apprenez à apprécier ce que vous "avez".

Un porteur d’eau indien avait deux grandes jarres, suspendues aux deux extrémités d’une pièce de bois qui épousait la forme de ses épaules.

L’une des jarres avait un éclat, et, alors que l’autre jarre conservait parfaitement toute son eau de source jusqu’à la maison du maître, l’autre jarre perdait presque la moitié de sa précieuse cargaison en cours de route.
Cela dura deux ans, pendant lesquels, chaque jour, le porteur d’eau ne livrait qu’une jarre et demi d’eau à chacun de ses voyages.
Bien sûr, la jarre parfaite était fière d’elle, puisqu’elle parvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faille.
Mais la jarre abîmée avait honte de son imperfection et se sentait déprimée parce qu’elle ne parvenait à accomplir que la moitié de ce dont elle était censée être capable.

Au bout de deux ans de ce qu’elle considérait comme un échec permanent, la jarre endommagée s’adressa au porteur d’eau, au moment où celui-ci la remplissait à la source.
« Je me sens coupable, et je te prie de m’excuser. »
« Pourquoi ? » demanda le porteur d’eau. « De quoi as-tu honte ? »
« Je n’ai réussi qu’à porter la moitié de ma cargaison d’eau à notre maître, pendant ces deux ans, à cause de cet éclat qui fait fuir l’eau. Par ma faute, tu fais tous ces efforts, et, à la fin, tu ne livres à notre maître que la moitié de l’eau. Tu n’obtiens pas la reconnaissance complète de tes efforts », lui dit la jarre abîmée.

Le porteur d’eau fut touché par cette confession, et, plein de compassion, répondit : « Pendant que nous retournons à la maison du maître, je veux que tu regardes les fleurs magnifiques qu’il y a au bord du chemin ».

Au fur et à mesure de leur montée sur le chemin, au long de la colline, la vieille jarre vit de magnifiques fleurs baignées de soleil sur les bords du chemin, et cela lui mit du baume au cœur. Mais à la fin du parcours, elle se sentait toujours aussi mal parce qu’elle avait encore perdu la moitié de son eau.

Le porteur d’eau dit à la jarre « T’es-tu rendu compte qu’il n’y avait de belles fleurs que de ton côté, et presque aucune du côté de la jarre parfaite ? C’est parce que j’ai toujours su que tu perdais de l’eau, et j’en ai tiré parti.
J’ai planté des semences de fleurs de ton côté du chemin, et, chaque jour, tu les as arrosées tout au long du chemin.
Pendant deux ans, j’ai pu grâce à toi cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré la table du maître. Sans toi, jamais je n’aurais pu trouver des fleurs aussi fraîches et gracieuses.

Un jour, l’âne d’un fermier tomba dans un puits.

L’animal gémissait pitoyablement depuis des heures, et le fermier se demandait quoi faire. Finalement, il décida que l’animal était trop vieux et que le puits devait disparaître de toute façon. Il n’était donc pas rentable de récupérer l’âne.
Il invita tous ses voisins à venir l’aider.
Tous se saisirent d’une pelle et commencèrent à combler le puits.

Au début, l’âne réalisa ce qui se produisait et se mit à crier terriblement. Puis, au bout de quelques secondes, à la stupéfaction de chacun, il se tut. Quelques pelletées plus tard, le fermier regarda finalement dans le fond du puits et fut très étonné de ce qu’il vit : à chaque pelletée de terre qui tombait sur lui, l’âne faisait quelque chose de stupéfiant.
Il se secouait pour enlever la terre de son dos et montait dessus.
Pendant que les voisins du fermier continuaient à pelleter sur l’animal, il se secouait et montait dessus…
Bientôt, à la grande surprise de chacun, l’âne sortit hors du puits et se mit à trotter ! »

 

Moralité de cette histoire : quels que soient les problèmes que nous rencontrons et les jugements qu’on nous porte, secouons-nous, changeons de stratégie et grimpons dessus pour vous élever.

Par un bel après midi d’été un petit lutin malin se baladait tout près d’une forêt enchantée. Il souriait à la vie en écoutant les oiseaux chantés, lorsqu’il entendit un gémissement. C’était Félicia, une petite fée, qui pleurait à chaudes larmes. Il s’approcha :

- « Mais pourquoi pleures-tu petite fée ? », demanda-t-il.
- « Je suis désespérée, j’ai perdue tous mes pouvoirs magiques », dit la Félicia en sanglotant.
- « Comment est-ce arrivé ? »
- « Je n’en sais rien, en fait, ce matin un Troll m’a demandé d’exhausser l’un de ses vœux et je n’ai pas pu le réaliser ».
- « Et quel était ce vœu ? », dit le lutin.
- Il voulait devenir le Troll le plus puissant et le plus riche de la montagne noire, et au moment d’exhausser son vœu rien ne s’est passé », dit la petite se mettant à pleurer de plus belle.
- « Ne t’inquiète pas petite Fée. Tu as de la chance, nous sommes à l’orée de la Forêt enchantée. On dit qu’une balade dans ces bois éclaire les esprits. Nous allons y entrer et essayer de trouver pourquoi tu as perdu tes pouvoirs. »

Félicia et le lutin malin entrèrent dans la forêt. Après quelques minutes de marches, ils furent interpellés par des craquements et une voix très grave.

- « Bonjour les amis », dit un grand chêne.
- « Bonjour Monsieur le chêne », répondirent-ils.
- « Que faites vous ici ? »
- « Je suis à la recherche de mes pouvoirs », dit timidement Félicia.
- « Pour trouver tes pouvoirs tu dois savoir d’où tu viens? » dit le grand chêne avant de redevenir un simple bout de bois.

Les deux amis restèrent un moment sans parler et puis le lutin malin demanda :

- « Eh bien Félicia ! Répond à la question. D’où viens-tu ? »
Félicia commença doucement :
- « Je viens des plaines dorées situées de l’autre côté de la montagne noire. Là d’où je viens les gens s’entraident, nous partageons nos biens, nous vivons en communauté. Mes parents sont des êtres formidables qui m’ont donné tout l’amour dont j’avais besoin. »

Ils marchaient en direction d’un lac où ils s’arrêtèrent pour continuer la conversation.

- « Tu as énormément de chance, Félicia d’avoir eu une vie si remplie d’amour », dit le lutin.
- « Oui tu as bien raison », dit une voix venue du fond du lac.
- « Mais qui est-ce? », s’étonna Félicia.
- « C’est moi la dame du Lac. »

Les deux amis se penchèrent au dessus de l’eau et virent un visage qui leur souriait.

- « Bonjour les amis, que faites-vous ici ? »
- « Je suis à la recherche de mes pouvoirs », répéta Félicia.
- « Pour trouver tes pouvoirs tu dois savoir qui tu es? » dit la voix du lac.

Félicia qui regardait toujours le fond du lac vit peu à peu le visage de la dame disparaître pour laisser place à sa propre image. Le lutin malin qui prenait plaisir à connaître sa jeune amie, lui demanda :
- « C’est vrai qui es-tu ? »
- « Je suis une fée qui en temps normal a des pouvoirs magiques. »
- « Oui mais encore, Félicia, qu’est ce qui te caractérise, quelles sont tes qualités et tes défauts », demanda le lutin.
- « Je suis prévenante, j’aime bien rendre service, aider les gens les rendre heureux. Je manque parfois de confiance en moi »

Ils arrivaient à la sortie du bois, Félicia découragée dit : « Nous voilà à la sortie du bois et je n’ai toujours pas retrouvés mes pouvoirs.

A ce moment le vent souffla :
- « Que cherches-tu ? Pour trouver la réponse écoute ton cœur. »

Le lutin malin, lui dit :
- « Répond à la question que te souffle le vent. »
- « Je chercher à retrouver mes pouvoirs. »
- « Mais pourquoi les cherches-tu ? », insista le lutin malin.
- « Pour pouvoir aider les gens … »
- « Eh bien voilà, jolie Félicia, je crois moi que tu n’as pas perdu tes pouvoirs qu’ils ont toujours été en toi ! »
- « Ah bon mais comment se fait-il, que je n’ai pas pu aider le troll alors ? »
- « N’as-tu pas compris chère fée, Ton don dois servir à aider les autres à leur apporter bonheur et amour. Le Troll n’avait tout simplement pas besoin de toute cette puissance et de tout cet argent. »
- « Je te remercie, mon cher lutin malin, sans toi, je n’aurais pas compris. Tu sais petit lutin, toi aussi tu as un don, tu m’as aidé à retrouver mes pouvoirs magiques.

Les nouveaux amis sortirent de la forêt main dans la main, ils savaient maintenant que l’essentiel était de croire en soi pour que tout deviennent possible.

Un jour, le Soleil et le Vent argumentaient au sujet de leur force mutuelle. Qui était le plus fort ?

 

Loin, plus bas, ils virent un homme qui marchait le long de la route. Il portait un lourd manteau.

 

« - Faisons un concours pour voir qui d’entre nous peut enlever le manteau de cet homme, dit le Soleil.

 

- Cela sera très simple pour moi », dit le Vent avec vantardise.

 

Il souffla tellement fort que la poussière et les feuilles remplirent l’air. Les arbres commencèrent à se balancer. Mais plus le Vent soufflait, plus l’homme resserrait son manteau avec force. Le Vent finit par abandonner la partie, épuisé.

Alors le Soleil sortit de derrière un nuage et commença à sourire. Pendant que le Soleil brillait de plus en plus, l’air devint plus chaud. L’Homme, lentement, devint plus confortable et déboutonna son manteau. Il finit par avoir tellement chaud qu’il décida d’enlever son manteau et de se reposer sous l’ombre d’un arbre.

 

« - Comment as-tu fais cela? demanda le Vent.

 

- J’ai éclairé son chemin, répliqua le Soleil. Et par la gentillesse, j’ai obtenu ce que je voulais. »

 

Aesop cité dans Blenkiron, Paul (2010).

Stories and Analogies in Cognitive Behaviour Therapy.

New York : Wiley-Blackwell, A John Wiley & Sons, Ltd)

Comme il faisait bon dans la campagne ! C’était l’été.

Les blés étaient dorés, l’avoine verte, les foins coupés embaumaient, ramassés en tas dans les prairies, et une cigogne marchait sur ses jambes rouges, si fines et si longues et claquait du bec en égyptien (sa mère lui avait appris cette langue-là). Au-delà, des champs et des prairies s’étendaient, puis la forêt aux grands arbres, aux lacs profonds.

En plein soleil, un vieux château s’élevait entouré de fossés, et au pied des murs poussaient des bardanes aux larges feuilles, si hautes que les petits enfants pouvaient se tenir tout debout sous elles. L’endroit était aussi sauvage qu’une épaisse forêt, et c’est là qu’une cane s’était installée pour couver. Elle commençait à s’ennuyer beaucoup. C’était bien long et les visites étaient rares les autres canards préféraient nager dans les fossés plutôt que de s’installer sous les feuilles pour caqueter avec elle. Enfin, un oeuf après l’autre craqua. « Pip, pip », tous les jaunes d’oeufs étaient vivants et sortaient la tête.

Coin, coin, dit la cane, et les petits se dégageaient de la coquille et regardaient de tous côtés sous les feuilles vertes. La mère les laissait ouvrir leurs yeux très grands, car le vert est bon pour les yeux. Comme le monde est grand, disaient les petits. Ils avaient bien sûr beaucoup plus de place que dans l’oeuf. Croyez-vous que c’est là tout le grand monde ? dit leur mère, il s’étend bien loin, de l’autre côté du jardin, jusqu’au champ du pasteur - mais je n’y suis jamais allée. « Êtes-vous bien là, tous ? » Elle se dressa. « Non, le plus grand oeuf est encore tout entier. Combien de temps va-t-il encore falloir couver ? J’en ai par-dessus la tête. »

Et elle se recoucha dessus. Eh bien ! comment ça va ? demanda une vieille cane qui venait enfin rendre visite. Ça dure et ça dure, avec ce dernier oeuf qui ne veut pas se briser. Mais regardez les autres, je n’ai jamais vu des canetons plus ravissants. Ils ressemblent tous à leur père, ce coquin, qui ne vient même pas me voir. Montre-moi cet oeuf qui ne veut pas craquer, dit la vieille. C’est, sans doute, un oeuf de dinde, j’y ai été prise moi aussi une fois, et j’ai eu bien du mal avec celui-là. Il avait peur de l’eau et je ne pouvais pas obtenir qu’il y aille. J’avais beau courir et crier. Fais-moi voir. Oui, c’est un oeuf de dinde, sûrement. Laisse-le et apprends aux autres enfants à nager. Je veux tout de même le couver encore un peu, dit la mère.

Maintenant que j’y suis depuis longtemps. Fais comme tu veux, dit la vieille, et elle s’en alla. Enfin, l’oeuf se brisa. Pip, pip, dit le petit en roulant dehors. Il était si grand et si laid que la cane étonnée, le regarda. En voilà un énorme caneton, dit-elle, aucun des autres ne lui ressemble. Et si c’était un dindonneau, eh bien, nous allons savoir ça au plus vite. Le lendemain, il faisait un temps splendide. La cane avec toute la famille S’approcha du fossé. Plouf ! elle sauta dans l’eau. Coin ! coin ! commanda-t-elle, et les canetons plongèrent l’un après l’autre, même l’affreux gros gris.

Non, ce n’est pas un dindonneau, s’exclama la mère. Voyez comme il sait se servir de ses pattes et comme il se tient droit. C’est mon petit à moi. Il est même beau quand on le regarde bien. Coin ! coin : venez avec moi, je vous conduirai dans le monde et vous présenterai à la cour des canards. Mais tenez- vous toujours près de moi pour qu’on ne vous marche pas dessus, et méfiez-vous du chat. Ils arrivèrent à l’étang des canards où régnait un effroyable vacarme. Deux familles se disputaient une tête d’anguille.

Ce fut le chat qui l’attrapa. Ainsi va le monde ! dit la cane en se pourléchant le bec. Elle aussi aurait volontiers mangé la tête d’anguille. Jouez des pattes et tâchez de vous dépêcher et courbez le cou devant la vieille cane, là-bas, elle est la plus importante de nous tous. Elle est de sang espagnol, c’est pourquoi elle est si grosse. Vous voyez qu’elle a un chiffon rouge à la patte, c’est la plus haute distinction pour un canard. Cela signifie qu’on ne veut pas la manger et que chacun doit y prendre garde. Ne mettez pas les pattes en dedans, un caneton bien élevé nage les pattes en dehors comme père et mère. Maintenant, courbez le cou et faites coin !

Les petits obéissaient, mais les canards autour d’eux les regardaient et s’exclamaient à haute voix : Encore une famille de plus, comme si nous n’étions pas déjà assez. Et il y en a un vraiment affreux, celui-là nous n’en voulons pas. Une cane se précipita sur lui et le mordit au cou. Laissez le tranquille, dit la mère. Il ne fait de mal à personne. Non, mais il est trop grand et mal venu. Il a besoin d’être rossé. Elle a de beaux enfants, cette mère ! dit la vieille cane au chiffon rouge, tous beaux, à part celui-là : il n’est guère réussi. Si on pouvait seulement recommencer les enfants ratés ! Ce n’est pas possible,

Votre Grâce, dit la mère des canetons ; il n’est pas beau mais il est très intelligent et il nage bien, aussi bien que les autres, mieux même. J’espère qu’en grandissant il embellira et qu’avec le temps il sera très présentable. Elle lui arracha quelques plumes du cou, puis le lissa : Du reste, c’est un mâle, alors la beauté n’a pas tant d’importance. Les autres sont adorables, dit la vieille. Vous êtes chez vous, et si vous trouvez une tête d’anguille, vous pourrez me l’apporter. Cependant, le pauvre caneton, trop grand, trop laid, était la risée de tous. Les canards et même les poules le bousculaient.

Le dindon - né avec des éperons - et qui se croyait un empereur, gonflait ses plumes comme des voiles. Il se précipitait sur lui en poussant des glouglous de colère. Le pauvre caneton ne savait où se fourrer. La fille de basse-cour lui donnait des coups de pied. Ses frères et soeurs, eux-mêmes, lui criaient : Si seulement le chat pouvait te prendre, phénomène ! Et sa mère :

Si seulement tu étais bien loin d’ici ! C’en était trop ! Le malheureux, d’un grand effort s’envola par- dessus la haie, les petits oiseaux dans les buissons se sauvaient à tire d’aile. « Je suis si laid que je leur fais peur », pensa-t-il en fermant les yeux. Il courut tout de même jusqu’au grand marais où vivaient les canards sauvages. Il tombait de fatigue et de chagrin et resta là toute la nuit. Au matin, les canards en voyant ce nouveau camarade s’écrièrent : Qu’est-ce que c’est que celui-là ? Notre ami se tournait de droite et de gauche, et saluait tant qu’il pouvait. Tu es affreux, lui dirent les canards sauvages, mais cela nous est bien égal pourvu que tu n’épouses personne de notre famille.

Il ne songeait guère à se marier, le pauvre ! Si seulement on lui permettait de coucher dans les roseaux et de boire l’eau du marais. Il resta là deux jours. Vinrent deux oies sauvages, deux jars plutôt, car c’étaient des mâles, il n’y avait pas longtemps qu’ils étaient sortis de l’oeuf et ils étaient très désinvoltes. Ecoute, camarade, dirent-ils, tu es laid, mais tu nous plais. Veux-tu venir avec nous et devenir oiseau migrateur ? Dans un marais à côté il y a quelques charmantes oiselles sauvages, toutes demoiselles bien capables de dire coin, coin (oui, oui), et laid comme tu es, je parie que tu leur plairas. Au même instant, il entendit Pif ! Paf !, les deux jars tombèrent raides morts dans les roseaux, l’eau devint rouge de leur sang.

Toute la troupe s’égailla et les fusils claquèrent de nouveau. Des chasseurs passaient, ils cernèrent le marais, il y en avait même grimpés dans les arbres. Les chiens de chasse couraient dans la vase. Platch ! Platch ! Les roseaux volaient de tous côtés ; le pauvre caneton, épouvanté, essayait de cacher sa tête sous son aile quand il vit un immense chien terrifiant, la langue pendante, les yeux étincelants. Son museau, ses dents pointues étaient déjà prêts à le saisir quand - Klap ! il partit sans le toucher. Oh ! Dieu merci ! je suis si laid que même le chien ne veut pas me mordre.

Il se tint tout tranquille pendant que les plombs sifflaient et que les coups de fusils claquaient. Le calme ne revint qu’au milieu du jour, mais le pauvre n’osait pas se lever, il attendit encore de longues heures, puis quittant le marais il courut à travers les champs et les prés, malgré le vent qui l’empêchait presque d’avancer. Vers le soir, il atteignit une pauvre masure paysanne, si misérable qu’elle ne savait pas elle-même de quel côté elle avait envie de tomber, alors elle restait debout provisoirement. Le vent sifflait si fort qu’il fallait au caneton s’asseoir sur sa queue pour lui résister.

Il s’aperçut tout à coup que l’un des gonds de la porte était arraché, ce qui laissait un petit espace au travers duquel il était possible de se glisser dans la cabane. C’est ce qu’il fit. Une vieille paysanne habitait là, avec son chat et sa poule. Le chat pouvait faire le gros dos et ronronner. Il jetait même des étincelles si on le caressait à rebrousse-poil. La poule avait les pattes toutes courtes, elle pondait bien et la femme les aimait tous les deux comme ses enfants. Au matin, ils remarquèrent l’inconnu. Le chat fit « chum » et la poule fit « cotcotcot ». Qu’est-ce que c’est que ça ! dit la femme. Elle n’y voyait pas très clair et crut que c’était une grosse cane égarée. « Bonne affaire, pensa-t-elle, je vais avoir des oeufs de cane.

Pourvu que ce ne soit pas un mâle. Nous verrons bien. Le caneton resta à l’essai, mais on s’aperçut très vite qu’il ne pondait aucun oeuf. Le chat était le maître de la maison et la poule la maîtresse. Ils disaient : « Nous et le monde », ils pensaient bien en être la moitié, du monde, et la meilleure. Le caneton était d’un autre avis, mais la poule ne supportait pas la contradiction. Sais-tu pondre ? demandait-elle. Non. Alors, tais-toi. Et le chat disait : Sais-tu faire le gros dos, ronronner ? Non. Alors, n’émets pas des opinions absurdes quand les gens raisonnables parlent. Le caneton, dans son coin, était de mauvaise humeur ; il avait une telle nostalgie d’air frais, de soleil, une telle envie de glisser sur l’eau. Il ne put s’empêcher d’en parler à la poule.

Qu’est-ce qui te prend, répondit-elle. Tu n’as rien à faire, alors tu te montes la tête. Tu n’as qu’à pondre ou à ronronner, et cela te passera. C’est si délicieux de glisser sur l’eau, dit le caneton, si exquis quand elle vous passe par-dessus la tête et de plonger jusqu’au fond ! En voilà un plaisir, dit la poule. Tu es complètement fou. Demande au chat, qui est l’être le plus intelligent que je connaisse, s’il aime glisser sur l’eau ou plonger la tête dedans. Je ne parle même pas de moi. Demande à notre hôtesse, la vieille paysanne. Il n’y a pas plus intelligent. Crois-tu qu’elle a envie de nager et d’avoir de l’eau par-dessus la tête ?

Vous ne me comprenez pas, soupirait le caneton. Alors, si nous ne te comprenons pas, qui est-ce qui te comprendra ! Tu ne vas tout de même pas croire que tu es plus malin que le chat ou la femme ... ou moi-même ! Remercie plutôt le ciel de ce qu’on a fait pour toi. N’es-tu pas là dans une chambre bien chaude avec des gens capables de t’apprendre quelque chose ? Mais tu n’es qu’un vaurien, et il n’y a aucun plaisir à te fréquenter. Remarque que je te veux du bien et si je te dis des choses désagréables, c’est que je suis ton amie. Essaie un peu de pondre ou de ronronner ! Je crois que je vais me sauver dans le vaste monde, avoua le caneton. Eh bien ! vas-y donc. Il s’en alla.

L’automne vint, les feuilles dans la forêt passèrent du jaune au brun, le vent les faisait voler de tous côtés. L’air était froid, les nuages lourds de grêle et de neige, dans les haies nues les corbeaux croassaient kré ! kru ! krà ! oui, il y avait de quoi grelotter. Le pauvre caneton n’était guère heureux. Un soir, au soleil couchant, un grand vol d’oiseaux sortit des buissons. Jamais le caneton n’en avait vu de si beaux, d’une blancheur si immaculée, avec de longs cous ondulants. Ils ouvraient leurs larges ailes et s’envolaient loin des contrées glacées vers le midi, vers les pays plus chauds, vers la mer ouverte.

Ils volaient si haut, si haut, que le caneton en fut impressionné ; il tournait sur l’eau comme une roue, tendait le cou vers le ciel ... il poussa un cri si étrange et si puissant que lui- même en fut effrayé. Jamais il ne pourrait oublier ces oiseaux merveilleux ! Lorsqu’ils furent hors de sa vue, il plongea jusqu’au fond de l’eau et quand il remonta à la surface, il était comme hors de lui-même. Il ne savait pas le nom de ces oiseaux ni où ils s’envolaient, mais il les aimait comme il n’avait jamais aimé personne. Il ne les enviait pas, comment aurait-il rêvé de leur ressembler...

L’hiver fut froid, terriblement froid. Il lui fallait nager constamment pour empêcher l’eau de geler autour de lui. Mais, chaque nuit, le trou où il nageait devenait de plus en plus petit. La glace craquait, il avait beau remuer ses pattes, à la fin, épuisé, il resta pris dans la glace. Au matin, un paysan qui passait le vit, il brisa la glace de son sabot et porta le caneton à la maison où sa femme le ranima. Les enfants voulaient jouer avec lui, mais lui croyait qu’ils voulaient lui faire du mal, il s’élança droit dans la terrine de lait éclaboussant toute la pièce ; la femme criait et levait les bras au ciel. Alors, il vola dans la baratte où était le beurre et, de là, dans le tonneau à farine. La paysanne le poursuivait avec des pincettes ; les enfants se bousculaient pour l’attraper... et ils riaient ... et ils criaient. Heureusement, la porte était ouverte !

Il se précipita sous les buissons, dans la neige molle, et il y resta anéanti. Il serait trop triste de raconter tous les malheurs et les peines qu’il dut endurer en ce long hiver. Pourtant, un jour enfin, le soleil se leva, déjà chaud, et se mit à briller. C’était le printemps. Alors, soudain, il éleva ses ailes qui bruirent et le soulevèrent, et avant qu’il pût s’en rendre compte, il se trouva dans un grand jardin plein de pommiers en fleurs. Là, les lilas embaumaient et leurs longues branches vertes tombaient jusqu’aux fossés. Comme il faisait bon et printanier ! Et voilà que, devant lui, sortant des fourrés trois superbes cygnes blancs s’avançaient. Il ébouriffaient leurs plumes et nageaient si légèrement, et il reconnaissait les beaux oiseaux blancs.

Une étrange mélancolie s’empara de lui. Je vais voler jusqu’à eux et ils me battront à mort, moi si laid, d’avoir l’audace de les approcher ! Mais tant pis, plutôt mourir par eux que pincé par les canards, piqué par les poules ou par les coups de pied des filles de basse-cour ! Il s’élança dans l’eau et nagea vers ces cygnes pleins de noblesse. A son étonnement, ceux-ci, en le voyant, se dirigèrent vers lui. Tuez-moi, dit le pauvre caneton en inclinant la tête vers la surface des eaux. Et il attendit la mort. Mais alors, qu’est-ce qu’il vit, se reflétant sous lui, dans l’eau claire ? C’était sa propre image, non plus comme un vilain gros oiseau gris et lourdaud ... il était devenu un cygne ! ! !

Car il n’y a aucune importance à être né parmi les canards si on a été couvé dans un oeuf de cygne ! Il ne regrettait pas le temps des misères et des épreuves puisqu’elles devaient le conduire vers un tel bonheur ! Les grands cygnes blancs nageaient autour de lui et le caressaient de leur bec. Quelques enfants approchaient, jetant du pain et des graines. Le plus petit S’écria : - Oh ! il y en a un nouveau. Et tous les enfants de s’exclamer et de battre des mains et de danser en appelant père et mère. On lança du pain et des gâteaux dans l’eau. Tous disaient :

« Le nouveau est le plus beau, si jeune et si gracieux. » Les vieux cygnes s’inclinaient devant lui. Il était tout confus, notre petit canard, et cachait sa tête sous l’aile, il ne savait lui-même pourquoi. Il était trop heureux, pas du tout orgueilleux pourtant, car un grand coeur ne connaît pas l’orgueil. Il pensait combien il avait été pourchassé et haï alors qu’il était le même qu’aujourd’hui où on le déclarait le plus beau de tous ! Les lilas embaumaient dans la verdure, le chaud soleil étincelait. Alors il gonfla ses plumes, leva vers le ciel son col flexible et de tout son coeur comblé il cria :« Aurais-je pu rêver semblable félicité quand je n’étais que le vilain petit canard ! »

Hans Christian Andersen

Il était une fois trois petits cochons qui s'en allèrent de par le monde pour faire fortune.

Le premier petit cochon rencontra un paysan qui portait une grosse botte de paille sur son dos.

- S'il vous plaît, Monsieur, donnez-moi un peu de votre paille pour que je puisse me construire une petite maison.

L'homme accepta et le petit cochon se construisit une jolie maisonnette toute en paille.

Quelques jours plus tard, il entendit des coups frappés à la porte. C'était le loup.

- Petit cochon, laisse-moi vite entrer, criait-il.
- Jamais de la vie ! Par ma queue en tire-bouchon ! répondit le petit cochon.
- Attends un peu ! Je vais souffler de toutes mes forces. Et ta maison de paille va s'envoler dans les airs !» Le loup souffla si fort que la maison de paille fut projetée très haut dans le ciel.

Puis le loup se jeta sur le petit cochon et le dévora.

Le deuxième petit cochon rencontra un homme qui portait sur son dos un fagot de joncs.

- S'il vous plaît, monsieur, donnez-moi quelques joncs pour que je puisse me construire une petite maison.

L'homme accepta et le petit cochon se construisit une jolie maisonnette toute en joncs. Quelques jours plus tard, le loup arrive et crie :

- Petit cochon, laisse-moi vite entrer !

Le petit cochon cria encore plus fort que le loup : 

- Jamais de la vie ! Par ma queue en tire-bouchon !
- Attends un peu ! Je vais souffler si fort que ta maison va s'envoler dans les airs !

Et le loup souffla si fort que la maison de joncs fut projetée très haut dans le ciel. Puis le loup se jeta sur le deuxième petit cochon et le dévora.

Le troisième petit cochon rencontra un homme qui poussait une brouette remplie de briques rouges.

- S'il vous plaît, monsieur, donnez-moi quelques-unes de vos briques pour que je puisse me construire une petite maison.

L'homme accepta et notre troisième petit cochon se construisit une jolie maison toute en briques rouges. Le loup arriva à toute vitesse :

- Petit cochon, laisse-moi entrer ! cria-t-il.
- Jamais de la vie ! par ma queue en tire-bouchon !
- Attends un peu ! Je vais souffler si fort que ta maison va s'envoler dans les airs!

Et le loup siffla de toutes ses forces. Mais la maison de briques rouges ne bougea pas d'un pouce.

Le loup, surpris et furieux à la fois, chercha une ruse.

«Bientôt ce cochon finira dans mon ventre», pensa-t-il.

- Petit cochon, dit-il doucement, je connais un superbe champ de navets. Voudrais-tu que je te dise où il est ?
- Oh ! oui ! Dis-le moi, s'il te plaît !
- Ce champ est tout à côté de la maison du menuisier.
- Si tu te lèves tôt demain matin, nous pourrons aller ensemble chercher une grosse botte de navets pour notre déjeuner. Qu'en penses-tu ?
- L'idée est excellente. A quelle heure viendras-tu me  chercher ? demanda le petit cochon.
- A six heures du matin, si cela te va, répondit le loup.

Mais le lendemain matin, le petit cochon se leva à cinq heures du matin. Il alla tout seul dans le champ dont lui avait parlé le loup. Il se remplit un plein panier de navets et rentra chez lui, tout joyeux.

A six heures précises, le loup arriva devant la maison du petit cochon. «

- Tu es prêt ? dit-il.
- Plus que prêt, répond notre petit cochon. J'ai même eu le temps d'aller chercher des navets pour mon déjeuner !

Le loup était furieux, mais il ne le montra pas. Il dit simplement d'un ton aimable :

- Petit cochon, je connais un endroit où il y a un pommier couvert de pommes.
- S'il te plaît, dis-moi où il est !
- Tout au fond du jardin du boulanger. Si tu te lèves demain matin à cinq heures, nous pourrons y aller ensemble.

Mais le lendemain matin, le petit cochon sauta de son lit avant même que quatre heures aient sonné. Il alla vite au fond du jardin du boulanger. Mais il n'avait pas pensé que la route était plus longue et qu'il devait grimper en haut du pommier. Il était à peine arrivé au sommet de l'arbre qu'il aperçut le loup.

- Eh bien, petit cochon, je vois que tu ne m'as pas attendu pour goûter les pommes. J'espère qu'elles sont bonnes, au moins !
- Délicieuses ! répondit le petit cochon.
- Tiens ! En voilà une belle que j'ai cueillie tout exprès pour toi !

Et il la lui lança le plus loin possible. Le loup courut pour l'attraper. Pendant qu'il la cherchait dans l'herbe, le petit cochon eut le temps de descendre de l'arbre et de rentrer à toute vitesse dans sa petite maison.

Le loup ne se découragea pas et dès le lendemain, il alla trouver le petit cochon.

- Je vais à la foire cet après-midi. Voudrais-tu m'y accompagner ? demanda-t-il.
- Avec plaisir ! A quelle heure viendras-tu me chercher ?

-A trois heures précises, répondit le loup.

Le petit cochon partit tout seul à la foire, en ayant pris une bonne avance. Il acheta un tonneau de bois et rentra chez lui.

Au milieu de la route, il vit le loup qui venait à sa rencontre.

Que faire ? Il n'y avait qu'une solution : se cacher dans le tonneau !

Mais pendant qu'il se glissait dedans, le tonneau se mit à rouler le long de la pente, droit sur le loup. Le loup prit ses jambes à son cou en hurlant de peur. Et il oublia complètement d'aller à la foire.

Le lendemain, à travers la porte, le loup raconta au petit cochon la peur affreuse qu'il avait eue : un tonneau avait roulé droit sur lui.

Un peu plus, et il était tué sur-le-champ !

- Tu ne devineras jamais qui était dans le tonneau, dit le petit cochon en riant aux éclats. Je sui allé tout seul à la foire, j'ai acheté un tonneau et quand je t'ai vu, je me suis caché dedans. Et puis je l'ai fait rouler dans ta direction !

C'en était trop pour le loup. Il fallait en finir avec ce maudit cochon.

- Attends un peu ! marmonne-t-il. Je vais me glisser par la cheminée et je vais dévorer ce cochon tout cru.

Mais le petit cochon l'entendit qui marchait sur le toit de la maison.

Il prit une énorme marmite pleine d'eau bouillante et la plaça dans l'âtre. Au moment précis où le poul arrivait par la cheminée, il souleva le couvercle de la marmite.

Le loup y tomba, la tête la première.

Aussitôt le petit cochon reposa le couvercle sur la marmite.

Quand le loup fut bouilli à point, le petit cochon en fit son dîner. Et puis ce jour, il vit tranquille dans sa petite maison de briques rouges

Tradition orale

Il était une fois un roi si grand, si aimé de ses peuples, si respecté de tous ses voisins et de ses alliés, qu'on pouvait dire qu'il était le plus heureux de tous les monarques. Son bonheur était encore confirmé par le choix qu'il avait fait d'une princesse aussi belle que vertueuse; et ces heureux époux vivaient dans une union parfaite. De leur chaste hymen était née une fille, douée de tant de grâces et de charmes, qu'ils ne regrettaient pas de n'avoir pas une plus ample lignée.

La magnificence, le goût et l'abondance régnaient dans son palais; les ministres étaient sages et habiles; les courtisans, vertueux et attachés; les domestiques, fidèles et laborieux; les écuries, vastes et remplies des plus beaux chevaux du monde, couverts de riches caparaçons : mais ce qui étonnait les étrangers qui venaient admirer ces belles écuries, c'est qu'au lieu le plus apparent un maître âne étalait de longues et grandes oreilles. Ce n'était pas par fantaisie, mais avec raison, que le roi lui avait donné une place particulière et distinguée. Les vertus de ce rare animal méritaient cette distinction, puisque la nature l'avait formé si extraordinaire, que sa litière, au lieu d'être malpropre, était couverte, tous les matins, avec profusion, de beaux écus au soleil, et de louis d'or de toute espèce, qu'on allait recueillir à son réveil.

Or, comme les vicissitudes de la vie s'étendent aussi bien sur les rois que sur les sujets, et que toujours les biens sont mêlés de quelques maux, le ciel permit que la reine fût tout à coup attaquée d'une âpre maladie, pour laquelle, malgré la science et l'habileté des médecins, on ne put trouver aucun secours. La désolation fut générale. Le roi, sensible et amoureux, malgré le proverbe fameux qui dit que l'hymen est le tombeau de l'amour, s'affligeait sans modération, faisait des voeux ardents à tous les temples de son royaume, offrait sa vie pour celle d'une épouse si chère; mais les dieux et les fées étaient invoqués en vain. La reine, sentant sa dernière heure approcher, dit à son époux qui fondait en larmes : « Trouvez bon, avant que je meure, que j'exige une chose de vous : c'est que s'il vous prenait envie de vous remarier... »

À ces mots, le roi fit des cris pitoyables, prit les mains de sa femme, les baigna de pleurs, et, l'assurant qu'il était superflu de lui parler d'un second hyménée : « Non, non, dit-il enfin, ma chère reine, parlez-moi plutôt de vous suivre; - L'État, reprit la reine avec une fermeté qui augmentait les regrets de ce prince, l'État, doit exiger des successeurs, et, comme je ne vous ai donné qu'une fille, vous presser d'avoir des fils qui vous ressemblent : mais je vous demande instamment, par tout l'amour que vous avez eu pour moi, de ne céder à l'empressement de vos peuples que lorsque vous aurez trouvé une princesse plus belle et mieux faite que moi; j'en veux votre serment, et alors je mourrai contente. »

On présume que la reine, qui ne manquait pas d'amour-propre, avait exigé ce serment, ne croyant pas qu'il fût au monde personne qui pût l'égaler, pensant bien que c'était s'assurer que le roi ne se remarierait jamais. Enfin elle mourut. Jamais mari ne fit tant de vacarme : pleurer, sangloter jour et nuit, menus droits du veuvage, furent son unique occupation.

Les grandes douleurs ne durent pas. D'ailleurs, les grands de l'État s'assemblèrent, et vinrent en corps prier le roi de se remarier. Cette première proposition lui parut dure, et lui fit répandre de nouvelles larmes. Il allégua le serment qu'il avait fait à la reine, défiant tous ses conseillers de pouvoir trouver une princesse plus belle et mieux faite que feu sa femme, pensant que cela était impossible. Mais le conseil traita de babiole une telle promesse, et dit qu'il importait peu de la beauté, pourvu qu'une reine fût vertueuse et point stérile; que l'État demandait des princes pour son repos et sa tranquillité; qu'à la vérité l'infante avait toutes les qualités requises pour faire une grande reine, mais qu'il fallait lui choisir un étranger pour époux; et qu'alors, ou cet étranger l'emmènerait chez lui, ou que, s'il régnait avec elle, ses enfants ne seraient plus réputés du même sang; et que, n'y ayant point de prince de son nom, les peuples voisins pourraient leur susciter des guerres qui entraîneraient la ruine du royaume. Le roi, frappé de ces considérations, promit qu'il songerait à les contenter.

Effectivement il chercha, parmi les princesses à marier, que serait celle qui pourrait lui convenir. Chaque jour on lui apportait des portraits charmants, mais aucun n'avait les grâces de la feue reine : ainsi il ne se déterminait point. Malheureusement, il s'avisa de trouver que l'infante, sa fille, était non seulement belle et bien faite à ravir, mais qu'elle surpassait encore de beaucoup la reine sa mère en esprit et en agréments. Sa jeunesse, l'agréable fraîcheur de son beau teint enflamma le roi d'un feu si violent, qu'il ne put le cacher à l'infante, et il lui dit qu'il avait résolu de l'épouser, puisqu'elle seule pouvait le dégager de son serment.

La jeune princesse, remplie de vertu et de pudeur, pensa s'évanouir à cette horrible proposition. Elle se jeta aux pieds du roi son père, et le conjura, avec toute la force qu'elle put trouver dans son esprit, de ne la pas contraindre à commettre un tel crime.

Le roi, qui s'était mis en tête ce bizarre projet, avait consulté un vieux druide pour mettre la conscience de la princesse en repos. Ce druide, moins religieux qu'ambitieux, sacrifia, à l'honneur d'être confident d'un grand roi, l'intérêt de l'innocence et de la vertu, et s'insinua avec tant d'adresse dans l'esprit du roi, lui adoucit tellement le crime qu'il allait commettre, qu'il lui persuada même que c'était une oeuvre pie que d'épouser sa fille. Ce prince, flatté par les discours de ce scélérat, l'embrassa, et revint d'avec lui plus entêté que jamais dans son projet : il fit donc ordonner à l'infante de se préparer à lui obéir.

La jeune princesse, outrée d'une vive douleur, n'imagina rien autre chose que d'aller trouver la fée des Lilas, sa marraine. Pour cet effet elle partit la même nuit dans un joli cabriolet attelé d'un gros mouton qui savait tous les chemins. Elle y arriva heureusement. La fée, qui aimait l'infante, lui dit qu'elle savait tout ce qu'elle venait lui dire, mais qu'elle n'eût aucun souci, rien ne pouvant lui nuire si elle exécutait fidèlement ce qu'elle allait lui prescrire. « Car, ma chère enfant, lui dit-elle, ce serait une grande faute que d'épouser votre père; mais, sans le contredire, vous pouvez l'éviter : dites-lui que, pour remplir une fantaisie que vous avez, il faut qu'il vous donne une robe de la couleur du temps; jamais, avec tout son amour et son pouvoir, il ne pourra y parvenir. »

La princesse remercia bien sa marraine; et dès le lendemain matin elle dit au roi son père ce que la fée lui avait conseillé, et protesta qu'on ne tirerait d'elle aucun aveu qu'elle n'eût une robe couleur du temps. Le roi, ravi de l'espérance qu'elle lui donnait, assembla les plus fameux ouvriers, et leur commanda cette robe, sous la condition que, s'ils ne pouvaient réussir, il les ferait tous pendre. Il n'eut pas le chagrin d'en venir à cette extrémité; dès le second jour ils apportèrent la robe si désirée. L'empyrée n'est pas d'un plus beau bleu lorsqu'il est ceint de nuages d'or, que cette belle robe lorsqu'elle fut étalée. L'infante en fut toute contristée, et ne savait comment se tirer d'embarras. Le roi pressait la conclusion. Il fallut recourir encore à la marraine, qui, étonnée de ce que son secret n'avait pas réussi, lui dit d'essayer d'en demander une de la couleur de la lune. Le roi, qui ne pouvait lui rien refuser, envoya chercher les plus habiles ouvriers, et leur commanda si expressément une robe couleur de la lune, qu'entre ordonner et l'apporter il n'y eut pas vingt-quatre heures...

L'infante, plus charmée de cette superbe robe que des soins du roi son père, s'affligea immodérément lorsqu'elle fut avec ses femmes et sa nourrice. La fée des Lilas, qui savait tout, vint au secours de l'affligée princesse, et lui dit : « Ou je me trompe fort, ou je crois que, si vous demandez une robe couleur du soleil, ou nous viendrons à bout de dégoûter le roi votre père, car jamais on ne pourra parvenir à faire une pareille robe, ou nous gagnerons au moins du temps. »

L'infante en convint, demanda la robe, et l'amoureux roi donna, sans regret, tous les diamants et les rubis de sa couronne pour aider à ce superbe ouvrage, avec ordre de ne rien épargner pour rendre cette robe égale au soleil. Aussi, dès qu'elle parut, tous ceux qui la virent déployée furent obligés de fermer les yeux, tant ils furent éblouis. C'est de ce temps que date les lunettes vertes et les verres noirs. Que devint l'infante à cette vue ? Jamais on n'avait rien vu de si beau et de si artistement ouvré. Elle était confondue; et sous prétexte d'avoir mal aux yeux, elle se retira dans sa chambre, où la fée l'attendait, plus honteuse qu'on ne peut dire. Ce fut bien pis : car, en voyant la robe du soleil, elle devint rouge de colère. « Oh ! pour le coup, ma fille, dit-elle à l'infante, nous allons mettre l'indigne amour de votre père à une terrible épreuve. Je le crois bien entêté de ce mariage qu'il croit si prochain, mais je pense qu'il sera un peu étourdi de la demande que je vous conseille de lui faire : c'est la peau de cet âne qu'il aime si passionnément, et qui fournit à toutes ses dépenses avec tant de profusion; allez, et ne manquez pas de lui dire que vous désirez cette peau. »

L'infante, ravie de trouver encore un moyen d'éluder un mariage qu'elle détestait, et qui pensait en même temps que son père ne pourrait jamais se résoudre à sacrifier son âne, vint le trouver, et lui exposa son désir pour la peau de ce bel animal. Quoique le roi fût étonné de cette fantaisie, il ne balança pas à la satisfaire. Le pauvre âne fut sacrifié, et la peau galamment apportée à l'infante, qui, ne voyant plus aucun moyen d'éluder son malheur, s'allait désespérer, lorsque sa marraine accourut. « Que faites-vous, ma fille ? dit-elle, voyant la princesse déchirant ses cheveux et meurtrissant ses belles joues; voici le moment le plus heureux de votre vie. Enveloppez-vous de cette peau; sortez de ce palais, et allez tant que terre pourra vous porter : lorsqu'on sacrifie tout à la vertu, les dieux savent en récompenser. Allez, j'aurai soin que votre toilette vous suive partout; en quelque lieu que vous vous arrêtiez, votre cassette, où seront vos habits et vos bijoux, suivra vos pas sous terre; et voici ma baguette que je vous donne : en frappant la terre, quand vous aurez besoin de cette cassette, elle paraîtra à vos yeux; mais hâtez-vous de partir; et ne tardez pas. »

L'infante embrassa mille fois sa marraine, la pria de ne pas l'abandonner, s'affubla de cette vilaine peau, après s'être barbouillée de suie de cheminée, et sortit de ce riche palais sans être reconnue de personne.

L'absence de l'infante causa une grande rumeur. Le roi, au désespoir, qui avait fait préparer une fête magnifique, était inconsolable. Il fit partir plus de cent gendarmes et plus de mille mousquetaires pour aller à la quête de sa fille; mais la fée, qui la protégeait, la rendait invisible aux plus habiles recherches : ainsi il fallut bien s'en consoler.

Pendant ce temps l'infante cheminait. Elle alla bien loin, bien loin, encore plus loin, et cherchait partout une place; mais quoique par charité on lui donnât à manger, on la trouvait si crasseuse que personne n'en voulait. Cependant elle entra dans une belle ville, à la porte de laquelle était une métairie, dont la fermière avait besoin d'une souillon pour laver les torchons, nettoyer les dindons et l'auge des cochons. Cette femme, voyant cette voyageuse si malpropre, lui proposa d'entrer chez elle; ce que l'infante accepta de grand coeur, tant elle était lasse d'avoir tant marché. On la mit dans un coin recule de la cuisine, où elle fut, les premiers jours, en butte aux plaisanteries grossières de la valetaille, tant sa peau d'âne la rendait sale et dégoûtante. Enfin on s'y accoutuma; d'ailleurs elle était si soigneuse de remplir ses devoirs que la fermière la prit sous sa protection. Elle conduisait les moutons, les faisait parquer au temps où il le fallait; elle menait les dindons paître avec une telle intelligence, qu'il semblait qu'elle n'eût jamais fait autre chose : aussi tout fructifiait sous ses belles mains.

Un jour qu'assise près d'une claire fontaine, où elle déplorait souvent sa triste condition, elle s'avisa de s'y mirer, l'effroyable peau d'âne, qui faisait sa coiffure et son habillement, l'épouvanta. Honteuse de cet ajustement, elle se décrassa le visage et les mains, qui devinrent plus blanches que l'ivoire, et son beau teint reprit sa fraîcheur naturelle. La joie de se trouver si belle lui donna envie de s'y baigner. ce qu'elle exécuta : mais il lui fallut remettre son indigne peau pour retourner à la métairie. Heureusement le lendemain était un jour de fête; ainsi elle eut le loisir de tirer sa cassette, d'arranger sa toilette, de poudrer ses beaux cheveux, et de mettre sa belle robe couleur du temps. Sa chambre était si petite, que la queue de cette belle robe ne pouvait pas s'étendre. La belle princesse se mira et s'admira elle-même avec raison, si bien qu'elle résolut, pour se désennuyer, de mettre tour à tour ses belles robes, les fêtes et les dimanches; ce qu'elle exécuta ponctuellement. Elle mêlait des fleurs et des diamants dans ses beaux cheveux, avec un art admirable; et souvent elle soupirait de n'avoir pour témoins de sa beauté que ses moutons et ses dindons, qui l'aimaient autant avec son horrible peau d'âne, dont on lui avait donné le nom dans cette ferme.

Un jour de fête, que Peau-d'Ane avait mis la robe couleur du soleil, le fils du roi, a qui cette ferme appartenait, vint y descendre pour se reposer, en revenant de la chasse. Ce prince était jeune, beau et admirablement bien fait, l'amour de son père et de la reine sa mère, adoré des peuples. On offrit à ce jeune prince une collation champêtre, qu'il accepta : puis il se mit à parcourir les basses-cours et tous leurs recoins. En courant ainsi de lieu en lieu, il entra dans une sombre allée, au bout de laquelle il vit une porte fermée. La curiosité lui fit mettre l'oeil à la serrure; mais que devint-il, en apercevant la princesse si belle et si richement vêtue, qu'à son air noble et modeste il la prit pour une divinité ! L'impétuosité du sentiment qu'il éprouva dans ce moment l'aurait porté à enfoncer la porte, sans le respect que lui inspira cette ravissante personne.

Il sortit avec peine de cette allée sombre et obscure, mais ce fut pour s'informer qui était la personne qui demeurait dans cette petite chambre. On lui répondit que c'était une souillon, qu'on nommait Peau-d'Ane, à cause de la peau dont elle s'habillait; et qu'elle était si sale et si crasseuse, que personne ne la regardait, ni ne lui parlait; et qu'on ne l'avait prise que par pitié, pour garder les moutons et les dindons.

Le prince, peu satisfait de cet éclaircissement, vit bien que ces gens grossiers n'en savaient pas davantage, et qu'il était inutile de les questionner. Il revint au palais du roi son père, plus amoureux qu'on ne peut dire, ayant continuellement devant les yeux la belle image de cette divinité qu'il avait vue par le trou de la serrure. Il se repentit de n'avoir pas heurté à la porte, et se promit bien de n'y pas manquer une autre fois. Mais l'agitation de son sang, causée par l'ardeur de son amour, lui donna, dans la même nuit, une fièvre si terrible, que bientôt il fut réduit à l'extrémité. La reine sa mère, qui n'avait que lui d'enfant, se désespérait de ce que tous les remèdes étaient inutiles. Elle promettait en vain les plus grandes récompenses aux médecins; ils y employaient tout leur art, mais rien ne guérissait le prince.

Enfin ils devinèrent qu'un mortel chagrin causait tout ce ravage; ils en avertirent la reine, qui, toute pleine de tendresse pour son fils, vint le conjurer de dire la cause de son mal; et que, quand il s'agirait de lui céder la couronne, le roi son père descendrait de son trône sans regret, pour l'y faire monter; que s'il désirait quelque princesse, quand même on serait en guerre avec le roi son père, et qu'on eût de justes sujets pour s'en plaindre, on sacrifierait tout pour obtenir ce qu'il désirait; mais qu'elle le conjurait de ne pas se laisser mourir, puisque de sa vie dépendait la leur.

La reine n'acheva pas ce touchant discours sans mouiller le visage du prince d'un torrent de larmes. « Madame, lui dit enfin le prince avec une voix très faible, je ne suis pas assez dénaturé pour désirer la couronne de mon père; plaise au ciel qu'il vive de longues années, et qu'il veuille bien que je sois long temps le plus fidèle et le plus respectueux de ses sujets ! Quant aux princesses que vous m'offrez, je n'ai point encore pensé à me marier; et vous pensez bien que, soumis comme je le suis à vos volontés, je vous obéirai toujours, quoi qu'il m'en coûte. - Ah ! mon fils, reprit la reine, rien ne me coûtera pour te sauver la vie; mais, mon cher fils, sauve la mienne et celle du roi ton père, en me déclarant ce que tu désires, et sois bien assuré qu'il te sera accordé. Eh bien ! madame, dit-il, puisqu'il faut vous déclarer ma pensée, je vais vous obéir; je me ferais un crime de mettre en danger deux êtres qui me sont si chers. Oui ma mère, je désire que Peau-d'Ane me fasse un gâteau, et que, dès qu'il sera fait, on me l'apporte. »

La reine, étonnée de ce nom bizarre, demanda qui était cette Peau-d'Ane. « C'est, madame, reprit un de ses officiers qui par hasard avait vu cette fille, c'est la plus vilaine bête après le loup; une peau noire, une crasseuse, qui loge dans votre métairie et qui garde vos dindons. -N'importe, dit la reine; mon fils, au retour de la chasse, a peut-être mangé de sa pâtisserie; c'est une fantaisie de malade, en un mot, je veux que Peau-d'Ane (puisque Peau-d'Ane il y a) lui fasse promptement un gâteau. »

On courut à la métairie, et l'on fit venir Peau-d'Ane, pour lui ordonner de faire de son mieux un gâteau pour le prince.

Quelques auteurs ont assuré que Peau-d'Ane, au moment que ce prince avait mis l'oeil à la serrure, les siens l'avaient aperçu : et puis, que regardant par sa petite fenêtre, elle avait vu ce prince si jeune, si beau et si bien fait, que l'idée lui en était restée, et que souvent ce souvenir lui avait coûté quelques soupirs. Quoi qu'il en soit, Peau-d'Ane l'ayant vu, ou en ayant beaucoup entendu parler avec éloge, ravie de pouvoir trouver un moyen d'être connue. s'enferma dans sa chambre, jeta sa vilaine peau, se décrassa le visage et les mains, se coiffa de ses blonds cheveux, mit un beau corset d'argent brillant. un jupon pareil, et se mit à faire le gâteau tant désiré : elle prit de la plus pure farine, des oeufs et du beurre bien frais. En travaillant, soit de dessein ou autrement, une bague qu'elle avait au doigt tomba dans la pâte, s'y mêla; et dès que le gâteau fut cuit, s'affublant de son horrible peau, elle donna le gâteau à l'officier, à qui elle demanda des nouvelles du prince; mais cet homme, ne daignant pas lui répondre, courut chez le prince lui porter ce gâteau.

Le prince le prit avidement des mains de cet homme, et le mangea avec une telle vivacité, que les médecins, qui étaient présents, ne manquèrent pas de dire que cette fureur n'était pas un bon signe : effectivement, le prince pensa s'étrangler par la bague qu'il trouva dans un des morceaux du gâteau; mais il la tira adroitement de sa bouche : et son ardeur à dévorer ce gâteau se ralentit, en examinant cette fine émeraude, montée sur un jonc d'or, dont le cercle était si étroit, qu'il jugea ne pouvoir servir qu'au plus joli doigt du monde.

Il baisa mille fois cette bague, la mit sous son chevet, et l'en tirait à tout moment, quand il croyait n'être vu de personne. Le tourment qu'il se donna, pour imaginer comment il pourrait voir celle à qui cette bague pouvait aller; et n'osant croire, s'il demandait Peau-d'Ane, qui avait fait ce gâteau qu'il avait demandé, qu'on lui accordât de la faire venir, n'osant non plus dire ce qu'il avait vu par le trou de la serrure, de crainte qu'on se moquât de lui, et qu'on le prît pour un visionnaire, toutes ces idées le tourmentant à la fois, la fièvre le reprit fortement; et les médecins, ne sachant plus que faire, déclarèrent à la reine que le prince était malade d'amour.

La reine accourut chez son fils, avec le roi, qui se désolait : « Mon fils, mon cher fils, s'écria le monarque affligé, nomme-nous celle que tu veux; nous jurons que nous te la donnerons, fût-elle la plus vile des esclaves. » La reine, en l'embrassant, lui confirma le serment du roi. Le prince, attendri par les larmes et les caresses des auteurs de ses jours : « Mon père et ma mère, leur dit-il, je n'ai point dessein de faire une alliance qui vous déplaise; et pour preuve de cette vérité, dit-il en tirant l'émeraude de dessous son chevet, c'est que j'épouserai la personne à qui cette bague ira, telle qu'elle soit; et il n'y a pas apparence que celle qui aura ce joli doigt soit une rustaude ou une paysanne. »

Le roi et la reine prirent la bague, l'examinèrent curieusement, et jugèrent, ainsi que le prince, que cette bague ne pouvait aller qu'à quelque fille de bonne maison. Alors le roi ayant embrassé son fils, en le conjurant de guérir, sortit, fit sonner les tambours, les fifres et les trompettes par toute la ville, et crier par ses hérauts que l'on n'avait qu'à venir au palais essayer une bague, et que celle à qui elle irait juste épouserait l'héritier du trône.

Les princesses d'abord arrivèrent, puis les duchesses, les marquises et les baronnes; mais elles eurent beau toutes s'amenuiser les doigts, aucune ne put mettre la bague. Il en fallut venir aux grisettes, qui, toutes jolies qu'elles étaient, avaient toutes les doigts trop gros. Le prince, qui se portait mieux, faisait lui-même l'essai. Enfin, on en vint aux filles de chambre; elles ne réussirent pas mieux. Il n'y avait plus personne qui n'eût essayé cette bague sans succès, lorsque le prince demanda les cuisinières, les marmitonnes, les gardeuses de moutons : on amena tout cela; mais leurs gros doigts rouges et courts ne purent seulement aller par-delà l'ongle.

« A-t-on fait venir cette Peau-d'Ane, qui m'a fait un gâteau ces jours derniers ? » dit le prince. Chacun se prit à rire, et lui dit que non, tant elle était sale et crasseuse. « Qu'on l'aille chercher tout à l'heure, dit le roi; il ne sera pas dit que j'aie excepté quelqu'un. » On courut, en riant et se moquant, chercher la dindonnière.

L'infante, qui avait entendu les tambours et le cri des hérauts d'armes, s'était bien doutée que sa bague faisait ce tintamarre : elle aimait le prince; et, comme le véritable amour est craintif et n'a point de vanité, elle était dans la crainte continuelle que quelque dame n'eût le doigt aussi menu que le sien. Elle eut donc une grande joie quand on vint la chercher et qu'on heurta à sa porte. Depuis qu'elle avait su qu'on cherchait un doigt propre à mettre sa bague, je ne sais quel espoir l'avait portée à se coiffer plus soigneusement, et à mettre son beau corps d'argent, avec le jupon plein de falbalas, de dentelles d'argent, semé d'émeraudes. Sitôt qu'elle entendit qu'on heurtait à la porte, et qu'on l'appelait pour aller chez le prince, elle remit promptement sa peau d'âne, ouvrit sa porte; et ces gens, en se moquant d'elle, lui dirent que le roi la demandait pour lui faire épouser son fils, puis, avec de longs éclats de rire, ils la menèrent chez le prince, qui, lui-même, étonné de l'accoutrement de cette fille, n'osa croire que ce fût elle qu'il avait vue si pompeuse et si belle. Triste et confondu de s'être si lourdement trompé; « Est-ce vous, lui dit-il, qui logez au fond de cette allée obscure, dans la troisième basse-cour de la métairie ? -- Oui, seigneur, répondit-elle. -- Montrez-moi votre main », dit-il en tremblant et poussant un profond soupir...

Dame ! qui fut bien surpris ? Ce furent le roi et la reine, ainsi que tous les chambellans et les grands de la cour, lorsque de dessous cette peau noire et crasseuse sortit une petite main délicate, blanche et couleur de rose, où la bague s'ajusta sans peine au plus joli petit doigt du monde; et par un petit mouvement que l'infante se donna, la peau tomba, et elle parut d'une beauté si ravissante, que le prince, tout faible qu'il était, se mit à ses genoux, et les serra avec une ardeur qui la fit rougir; mais on ne s'en aperçut presque pas, parce que le roi et la reine vinrent l'embrasser de toute leur force, et lui demander si elle voulait bien épouser leur fils. La princesse, confuse de tant de caresses et de l'amour que lui marquait ce beau jeune prince, allait cependant les en remercier, lorsque le plafond s'ouvrit, et que la fée des Lilas, descendant dans un char fait de branches et de fleurs de son nom, conta, avec une grâce infinie, l'histoire de l'infante.

Le roi et la reine, charmés de voir que Peau-d'Ane était une grande princesse, redoublèrent leurs caresses; mais le prince fut encore plus sensible à la vertu de la princesse, et son amour s'accrut par cette connaissance.

L'impatience du prince, pour épouser la princesse, fut telle, qu'à peine donna-t-il le temps de faire les préparatifs convenables pour cet auguste hyménée. Le roi et la reine, qui étaient affolés de leur belle-fille, lui faisaient mille caresses, et la tenaient incessamment dans leurs bras; elle avait déclaré qu'elle ne pouvait épouser le prince sans le consentement du roi son père : aussi fut-il le premier à qui on envoya une invitation, sans lui dire quelle était l'épousée; la fée des Lilas, qui présidait à tout, comme de raison, l'avait exigé, à cause des conséquences. Il vint des rois de tous les pays : les uns en chaise à porteurs, d'autres en cabriolet; de plus éloignés, montés sur des éléphants, sur des tigres, sur des aigles; mais le plus magnifique et le plus puissant fut le père de l'infante, qui heureusement avait oublié son amour déréglé, et avait épousé une reine veuve, fort belle, dont il n'avait point eu d'enfant. L'infante courut au-devant de lui; il la reconnut aussitôt, et l'embrassa avec une grande tendresse, avant qu'elle eût le temps de se jeter à ses genoux. Le roi et la reine lui présentèrent leur fils, qu'il combla d'amitiés. Les noces se firent avec toute la pompe imaginable. Les jeunes époux, peu sensibles à ces magnificences, ne virent et ne regardèrent qu'eux.

Le roi, père du prince, fit couronner son fils ce même jour, et, lui baisant la main, le plaça sur son trône, malgré la résistance de ce fils si bien né : il lui fallut obéir. Les fêtes de cet illustre mariage durèrent près de trois mois; mais l'amour des deux époux durerait encore, tant ils s'aimaient, s'ils n'étaient pas morts cent ans après.

Charles Perrault

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