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Le conte aux Antilles joue un rôle primordial dans la culture orale. 
La culture orale à travers la pratique du conte aux Antilles revêt une dimension forte : elle est la littérature orale, ou plutôt l'oraliture. 


© Les contes sont la propriété de leurs auteurs.

Contes des Antilles
Antilles

Tradition Orale (S/O-S/O)

Le roi venait de terminer sa récolte, qui comprenait notamment une certaine quantité de ouangue*. Il la mit à sécher au soleil.

Le lapin, qui avait un emploi à la cour de ce prince, est encore plus gourmand que rusé, à moins qu'il ne soit plus rusé que gourmand, ou bien encore qu'il n'amalgame à doses égales la ruse et la gourmandise. Quoi qu'il en soit, le lapin, profitant d'un moment où personne n'était dans les environs, se précipita sur le ouange du roi, et le mangea sans plus de façons que si c'eut été du ouange appartenant à des gens du commun.

Après cet acte de gloutonnerie, il jugea prudent de mettre une certaine distance entre lui et le roi. Le voilà donc parti ventre à terre, moins léger qu'il ne l'eut voulu cependant, sa digestion n'étant pas encore faite.

Il alla visiter tous les parents et tous les amis qu'il possédait dans le pays d'alentour, même de simples connaissances qu'il n'avait pas vues depuis fort longtemps, et qui le regardèrent un peu comme s'il était tombé du ciel. Bref, tant bien que mal, plutôt mal que bien, il dépensa une couple de jours loin de sa demeure habituelle. Après quoi, il reprit au petit trot le chemin de la cour.

Je vous laisse à penser le bruit qu'y avait fait l'audacieux larcin commis par notre rongeur. Le roi était entré dans une colère terrible. Si l'on eut mangé le ouange de toute autre personne, voire d'un de ses ministres, peut-être un de ses ministres même, il aurait sans doute trouvé la plaisanterie fort bonne. Mais il s'agissait de son propre ouange, à lui roi, et si les monarques, dit-on, aiment à prendre quelques fois le bien d'autrui, ils n'entendent mie qu'on use de représailles à leur égard.

Notre prince avait voulu qu'on trouvât le coupable sur l'heure. Et pour arriver plus vite à ce résultat, l'exécuteur des hautes œuvres avait commencé à ouvrir le ventre à quatre ou cinq courtisans que l'on jugeait capables d'avoir commis le crime.

Ce que voyant, les autres adressèrent au monarque une pétition dans laquelle ils le suppliaient d'ordonner que la cour prendrait sur l'heure un vomitif général. Par ce moyen, assuraient-ils, on parviendrait à connaître tout aussi surement la vérité, sans compromettre la vie des fidèles sujets de sa majesté, que lesdits fidèles sujets seraient cependant très heureux de lui sacrifier à l'occasion. Le roi voulut bien les croire, et la cour ne tarda pas à présenter un spectacle sur lequel il est inutile d'insister.

Au milieu de l'émotion et du brouhaha causés par ces évènements, personnes n'avait remarqué la disparition de lapin. Mais il était évident que, dès son retour, cette absence même, dont on s'apercevrait alors, attirerait immédiatement les soupçons sur lui. Cela ne manqua pas de se produire.

Au moment où notre voleur fit sa rentrée au palais, un grand nombre de sujets étaient dans l'antichambre, commentant les évènements de la veille et de l'avant-veille. En apercevant le lapin, il n'eurent qu'un coup d'œil à échanger pour comprendre que la même pensée leur venait à tous en même temps.

Notre glouton s'avançait vers eux en affectant l'air innocent et tranquille d'un honnête bourgeois qui rentre d'une promenade matinale; mais au fond de lui-même il se sentait peu rassuré, et la pensée de son crime ne le quittait pas d'une seconde.

Le plus âgé des fonctionnaires présents fit un pas hors du groupe avec l'intention bien évidente d'interroger le nouvel arrivant, et commença ainsi:

— Lapin...
— De quel ouange me parlez-vous?.. s'écria celui-ci en sursautant.

Il n'en fallut pas davantage. On tomba sur lui, on l'arrêta, et le ministère public n'eut pas grand peine à le faire condamner aux plus terribles supplices. Le lapin, par son empressement à parler d'un fait dont il ne pouvait encore avoir connaissance, s'était trahi lui-même.


*Ouange, sésame.

Publié en 1893. Georges Haurigot (1856-19..)

Conte de Guadeloupe

Ti Pocame était un gentil petit garçon qui vivait chez sa tante car il était orphelin.

Sa Tante ne l'aimait pas du tout et lui préférait ses deux fils qu'elle entourait d'attentions particulières au détriment de Ti Pocame. Pour eux les jolis habits bien empesés et pour Ti Pocame, les vieux haillons ; pour eux les bons morceaux de viande et pour Ti Pocame les os ; pour eux les douceurs (bonbons, pain doux et pilibos), pour Ti Pocame toutes les corvées (aller chercher l'eau à la rivière, nourrir le cochon et les poules, éplucher les légumes, ...). Souvent, elle le punissait injustement et le menaçait de le donner au diable, ce qui le faisait trembler d'effroi.

Mais Ti Pocame était courageux et il ne se plaignait jamais. Il songeait souvent à sa chère marraine chez qui il aimerait bien partir vivre un jour.

Un soir, alors qu'ils étaient à table, la Tante ordonna à Ti Pocame d'aller cueillir un piment afin de relever le repas. Il faisait nuit noire et tout de suite, Ti Pocame pensa :

- C'est ce soir que ma Tante m'envoie au diable !

Avant de sortir, il prit soin de glisser dans sa poche les sept pépins d'orange qui portent chance, que sa Marraine lui avait donnés pour ses étrennes.

Arrivé dehors, la nuit l'enveloppa tout entier. Il prit garde à faire le moins de bruit possible afin que le diable ne le remarqua point. Soudain, il vit une petite lumière comme celle d'une luciole à la différence que celle-ci se mit à foncer sur Ti Pocame.

- Le diable, pensa-t-il.

Et sans réfléchir, comme par instinct, il lança les pépins d'orange à terre et se mit à chanter :

Pié zoranj, lévé, lévé Gro-diab'la lé mangé mwen ! 

Oranger, pousse, pousse, 

Le gros diable veut me manger !

C'est alors qu'un oranger sortit de terre et se mit à grandir, grandir devant un Ti Pocame ravi, mais un peu surpris.

La boule de feu était toujours là, menaçant Ti Pocame.

Pié zoranj, poussé branch, poussé branch, Gro-diab'la lé mangé mwen ! 

Oranger, sors tes branches, sort tes branches
Le gros diable veut me manger !

Et les branches de l'arbre se mirent à pousser, pousser.

Ti Pocame sauta sur l'une d'elle et grimpa vers le sommet de l'arbre afin de se mettre à l'abri de la boule de feu qui approchait toujours, encore plus menaçante.

Pié zoranj, baille flè, baille flè,
Gro-diab'la lé mangé mwen !

Oranger, fleuris, fleuris,
Le gros diable veut me manger !

Des milliers de fleurs odorantes apparurent sur chaque branche à la grande joie de Ti Pocame.

Mais à ce moment, la grosse boule de feu éclata et un vilain diable apparut, tout poilu avec des longues griffes au bout de chaque doigt.

Il hurlait en gesticulant :

- Ti Pocame, je vais t'attraper et je te mangerais tout cru !

Ti Pocame ne perdit pas son courage. Il se mit à chanter de plus bel :

Pié zoranj, baille zoranj, baille zoranj,
Gro-diab'la lé mangé mwen !

Oranger, donne des oranges, donne des oranges,
Le gros diable veut me manger !

De belles oranges bien grosses remplacèrent les fleurs. Ti Pocame les cueillit et les envoya sur le diable. Il le bombarda surtout que les oranges étaient inépuisables : dès qu'il en cueillait une, une autre apparaissait à la place.

La bataille dura toute la nuit. Ti Pocame était très adroit et chacune de ses oranges atteignait le diable qui, lorsque le jour pointa, se retrouva enseveli sous les oranges magiques.

Lorsque le premier rayon de soleil brilla, la terre s'ouvrit et le diable y disparu.

Ti Pocame sauta de son arbre sauveur qui lui aussi disparu à son tour. Il retrouva dans le fond de sa poche les sept pépins d'orange. Il songea à sa chère Marraine et décida d'aller vivre chez elle.

Ti Pocame se mit donc en route, certain que les sept pépins d'orange le protégeront de tous les dangers.

Conte Antillais

Il était une fois, une maman qui avait trois enfants : Pat'fin', Grangèl et Groboudin.

On les surnommait ainsi parce que Pat'fin' avait des jambes fines, fines, fines et aimait courir , Grangèl avait une large bouche car il aimait beaucoup rire et Groboudin un énorme ventre parce qu'il était très vorace.

Un jour, leur maman les envoya tous les trois à la boutique pour acheter un demi-litre d'huile et un quart de morue pour le repas du midi, en leur demandant de faire vite et de ne s'arrêter en chemin sous aucun prétexte.

Les enfants partirent donc. A mi-chemin, Groboudin s'arrêta net devant un manguier chargé de fruits mûrs à point. Il ne peut résister à sa gourmandise : à coups de pierres, il fit tomber une douzaine de mangos qu'il mangea les uns après les autres. Mais c'était beaucoup trop et son ventre éclata  ... Bôô !!

En voyant cela, Grangèl se mit à rire, à rire ! Il rit tellement que sa bouche déjà largement fendue se déchira jusqu'aux oreilles ... Chiiââk !!

Devant les malheurs de ses frères, Pat'fin', levant les bras au ciel courut prévenir sa maman. Elle courut, courut avec ses grandes jambes fines mais son pied entra dans une fourmilière et sa jambe se cassa net ... Tak !!

Conte Antillais

La pli bel an ba la baille

(La plus belle est cachée sous la cuve)

Une mère avait deux filles : Joséphine et Cècène. Cècène était mal-aimée : c’est elle qui faisait la cuisine, le ménage, qui travaillait dur dans les champs. Elle était la plus jolie et plus elle travaillait, plus elle devenait belle. Mais sa mère préférait la paresseuse et capricieuse Joséphine.

La mère n'aimait pas Cècène car une diablesse avait présidé à la naissance de Cècène. Le jour du baptême de cette dernière, alors que l’on dansait, arriva une femme extraordinairement belle et élégante. Elle demande à la maîtresse de maison de quoi se laver les pieds pour effacer les traces du long chemin qu’elle avait dû parcourir pour se rendre à la fête. On lui apporta donc une de ces grosses terrines de terre rouge, comme il s’en fait traditionnellement au pays pour cet usage particulier. Et quelques instants plus tard on entendit " tik " comme un bruit de fêlure.

- Ce n’est rien, dit la belle convive, c’est juste mon bracelet d’argent qui est tombé au fond de la terrine.

Puis, parée de ces beaux bijoux d’or, elle se jeta dans le bal où elle dansa sans relâche. Puis elle berça l’enfant nouveau-né. A l'heure du départ, elle se mit à rire bruyamment en soulevant ses jupes, et c’est alors qu’on s’aperçut que c’était bel et bien une diablesse. A la place du pied gauche, elle portait en effet un sabot de cheval, sabot qui avait fêlé la terrine de terre rouge.

En grandissant, Cècène était devenue une belle jeune fille. Un jour, elle partit, comme à l’accoutumée, travailler dans les champs. Tandis qu’elle coupait la canne sous le chaud soleil, un monsieur à cheval, fort élégant, s’approcha d’elle.

Cècène continua à travailler tout en chantonnant, son grand chapeau " bakoua " sur la tête, un madras noué autour de ses reins.

Le cavalier mit pied à terre et s’approcha de Cècène :

- Comment t’appelles-tu ? demanda-t-il
- Cècène.
- Et où habites-tu que j’aille demain rendre visite à tes parents ?
- A la croisée des chemins, près de grand fromager.

Le bel homme lui offrit une fleur d’hibiscus, remonta sur son cheval et disparu comme dans un rêve.

Cècène s’empressa de rentrer à la maison pour raconter à sa mère ce qui c’était passé.

La mère qui désirait avant tout marier sa fille aînée réfléchit à un plan pour remplacer Cècène par Joséphine.

Le lendemain, lorsque le jeune homme se présenta et demanda Cècène, la mère lui répondit qu’elle n’était pas là et lui présenta Joséphine parée de sa plus belle robe.

A ce moment, un perroquet aux couleurs chatoyantes apparut et se mit à crier :

- La pli bel’ en ba la baille, la pli bel’ en ba la baille !
(La plus jolie est cachée sous la baille)

Joséphine envoya des cailloux après cet oiseau de malheur afin de le faire taire, mais peine perdue.

- La pli bel’ en ba la baille, la pli bel’ en ba la baille ! répétait-il inlassablement.

Le jeune homme comprit alors, s’approcha de la baille et la retourna. Il y découvrit Cècène, recroquevillée, vêtue de haillons.

Tout souriant, il lui tendit la main et l’aida à se relever. Il la fit monter sur son cheval et ils disparurent tous les deux dans la poussière d’un grand galop. Ils vécurent longtemps ensemble, heureux.

Conte Antillais

Cette histoire s'est passée il y a très, très longtemps.

En ce temps-là, le Bon Dieu descendait sur la terre pour voir comment les animaux qu'il avait créés se comportaient.

Un jour, il décida de rendre visite à toutes les bêtes à ailes, les oiseaux, afin de les féliciter pour leur façon de vivre : dans l'entente, sans jamais se disputer. Il était tellement satisfait qu'il les invita tous pour un grand festin dans le ciel.

Tortue, caché sous une feuille, entendit tout ce que Dieu dit et dès son départ, il déclara :

- Qu'est-ce que c'est, Dieu organise un festin et ne je suis pas invité. Si ne j'arrive pas à être aussi de la fête, je ne m'appelle plus Tortue.

Il commença par demander aux oiseaux qui se préparaient quelques plumes afin de les coller sur sa carapace, mais personne ne voulait l'aider : Tortue avait de trop vilaines manières.

- Tu n'es pas un oiseau donc tu n'es pas invité. Je n'ai pas de plumes à te donner.

Mais Tortue était malin. En cachette, il ramassa toutes les vieilles plumes qui traînaient et les colla sur son corps, sa carapace. A chacune de ses pattes, il colla des ailes. Il attendit le grand départ de tous les oiseaux et, flap, flap, il les suivit et arriva aussi au ciel.

Quelle belle fête dans le ciel, mes amis ! Il y avait beaucoup de bonnes choses à manger et à boire.

Personne ne reconnut Tortue sous son déguisement et il mangea et bu plein son ventre. Mais, à force de boire, il commença à se faire remarquer, à faire le malotru. Il commença par rigoler fort, poursuivit avec des blagues de mauvais goûts et finit par rouler sous la table.

Et sans qu'il en prit garde, ses plumes se décollèrent toutes les unes après les autres.

Lorsque l'heure de partir arriva, tous les oiseaux prirent leur envol, sans toutefois oublier de remercier le Bon Dieu pour cette belle journée. Tous virent Tortue qui pleurait parce que, sans ses ailes, il ne pouvait plus redescendre.

- A Compère Tortue, tu n'avais rien à faire ici. Tant pis pour toi. Tu as su monter seul, débrouille-toi pour redescendre. Ne compte pas sur notre aide.

Tortue se mit à pleurer et à gémir car il avait peur que Dieu, qui ne l'avait pas invité, le découvre là :

- Comment ferai-je pour redescendre sur la terre ? Dieu me punira s'il me découvre ici.

Araignée, qui vivait là, entendit les pleurs de Tortue et cela lui fit de la peine. Il décida de l'aider à redescendre.

- Mais, comment feras-tu ? lui demanda Tortue.

- Ne t'inquiète pas : je te ferai arriver en bas : tu n'auras qu'à te tenir tranquille ! répondit Araignée.

Il attacha Tortue à l'aide d'un fil et commença à le faire descendre lentement. Tortue, rassuré, se mit à chanter :

Papillons, bêtes à ailes,
Colibris. bêtes à plumes.

Mais, depuis un moment, une question revenait sans cesse à son esprit : où l'Araignée prenait tant de fil ?

Il leva la tête et découvrit que c'était le cul de l'Araignée qui produisait le fil.

Il partit d'un grand éclat de rire : AH, AH, AH !

- Compère Tortue, tu es bien gai maintenant. Dis-moi ce qui te fait rire autant ! lui demanda Araignée.

- Rien, ce n'est rien ! lui répondit Tortue en reprenant sa chanson.

Fort: Papillons, bêtes à ailes,
Très bas : Araignée, ton cul fait du fil !
Fort : Colibris, bêtes à plumes,
Très bas : Araignée, ton cul fait du fil !

Mais, à force de chanter et de rire, Tortue s'oublia et chanta tout fort :

Papillons, bêtes à ailes
Araignée, ton cul fait du fil !
Colibris, bêtes à plumes,
Araignée, ton cul fait du fil !

Araignée entendit ce que chantait Tortue et aussitôt, il arrêta de filer. Lorsque Tortue s'aperçut qu'il ne descendait plus, il leva la tête et son regard croisa celui d'Araignée : il comprit tout de suite ce qui allait lui arriver.

- Ah ! C'est comme ça ! dit Araignée. Je t'aide à te faire descendre et c'est tout ce que tu trouves à chanter, petit scélérat.

Et il ferma ses fesses "pak" : le fil se cassa "tak" !

Tortue bascula, la tête en bas. Il se mit à crier, tout au long de sa chute, à qui voulait l'entendre :

Enlevez les pierres, mettez de la paille,
Enlevez les pierres, mettez de la paille !

Mais, personne ne l'entendit et Tortue arriva sur la terre du Bon Dieu avec fracas : BO !

Il éclata sa carapace toute lisse sur une grosse pierre de la rivière et celle-ci se fendilla en plusieurs morceaux.

Depuis ce jour, toutes les tortues qui naquirent après lui, eurent leurs carapaces ainsi fendillées.

Conte Antillais

Un jour, au cours d'une promenade, un jeune monsieur Crapaud aperçut une jolie demoiselle Anoli qui mangeait un corossol mûr. Une demoiselle Anoli de toute beauté ! Elle avait une petite tête fine, sa queue était longue et avec tout ça, elle était d'une belle couleur verte. Crapaud n'avait pas assez de ses deux yeux pour l'admirer.

Sans perdre une seconde, Crapaud courut chez sa maman pour lui annoncer qu'il désirait se marier avec demoiselle Anoli.

Maman Crapaud se frappa le front :

- Mais mon fils, tu es devenu fou ! Tu veux te marier avec demoiselle Anoli ? Qu'est-ce qui t'arrives : ce n'est pas une femme pour toi. C'est avec une demoiselle Crapaud que tu dois te marier. Laisse demoiselle Anoli pour un monsieur Anoli !

Mais Crapaud n'écouta point sa mère. Il se sentait assez grand pour agir seul et il alla voir demoiselle Anoli. Il lui avoua ses sentiments pour elle et lui demanda de l'épouser.

Demoiselle Anoli était bien surprise. Elle répondit tout de même :

- Tu sais Crapaud, les gens ne se marient pas comme ça. Il faut monter notre ménage avant toute chose : une table, des chaises, un buffet, un lit, une armoire, un réchaud, des lampes, enfin tout le nécessaire.

Crapaud, heureux de constater que demoiselle Anoli ne le rejetait pas, nota toutes les choses à acheter sur un papier et répondit :

- Ne t'inquiète pas ma chérie, je vais tout acheter pour toi.

- J'ai une petite case, entrepose tout là-dedans et quand tout sera prêt, nous nous marierons.

Crapaud se mit au travail, fit des dettes pour acheter le mobilier.

Lorsqu'il eut fini deux mois plus tard, il alla chercher demoiselle Anoli pour la conduire à l'église. Mais elle déclara :

- Ah, Crapaud ! Nous ne pourrons pas nous marier aujourd'hui parce que j'avais fait une promesse : le jour de mon mariage, je dois porter une couronne de fleurs d'oranger et c'est mon fiancé même qui doit aller la chercher à Grand-Rivière.

Sans perdre une minute, Crapaud parti sur-le-champ au pas de course.

Entre temps, demoiselle Anoli héla monsieur Anoli dit "Anoli-à-grosses-joues", son fiancé qui était caché pas bien loin, et ensemble, ils déménagèrent tout ce que Crapaud avait mis dans la petite case. Ils disparurent et personne ne les revirent dans le coin.

Quand Crapaud revient, éreinté et couvert de poussière, il chercha demoiselle Anoli partout. Lorsqu'il vit la case vide, il n'en crut pas ses yeux. Il trouva un bout de papier sur lequel demoiselle Anoli avait écrit : Adieu petit Crapaud couillon.

Crapaud tourna sur lui-même et s'abattit sur le sol, bap ! Tout son corps se raidit et de grosses pustules recouvrirent sa peau qui changea de couleur. C'est sa maman qui le retrouva allongé sur le sol, presque mort.

Elle emporta son fils dans sa maison et lui donna à boire toutes sortes de tisanes. Mais Crapaud resta longtemps malade.

Peu à peu, il recouvra la santé, mais sa peau qui était belle et lisse avant cette mésaventure resta laide, marquée par les boutons : ladre.

Un jour, Crapaud rencontra une demoiselle Crapaud et ils se marièrent. Lorsque madame Crapaud tomba enceinte et accoucha, tous les enfants étaient ladres comme leur père.

C'est depuis cette époque que tous les crapauds viennent au monde ladres. Et lorsqu'on veut parler de crapauds, on ne fait que dire : crapaulade !

Conte Antillais

Un jour que compère Lapin s'amusait à sauter sur le sable lorsqu’il vit l'Éléphant et la Baleine qui parlaient ensemble. Hop ! hop! hop! Compère Lapin s’arrêta et se tapit derrière un buisson afin de mieux entendre ce qu’ils avaient à se dire…
Vous ne le croirez sans doute pas mais ils étaient entrain de se faire des compliments.
- Oh! Compère Éléphant, disait la Baleine, c'est bien vous qui êtes le plus puissant des animaux qui vivent sur la terre, tandis que moi, je suis le plus puissant des animaux qui vivent dans la mer. Si vous le vouliez, nous pourrions nous associer et gouverner tous les autres animaux de la terre et de la mer. Pensez donc, personne ne pourrait alors nous résister.
- Fort bien, fort bien, Commère, répondait le gros Compère Éléphant. Votre proposition m’enchante tout à fait.

Mais Compère Lapin, derrière son buisson n'avait pas du tout envie d'être gouverné par eux. Il s'en alla chercher une grosse, grosse corde, longue, très longue, puis il prit son gros tambour et le cacha dans les buissons. Alors, il marcha sur la plage jusqu'à ce qu'il rencontrât la Baleine.

- Oh! Commère Baleine, dit-il, vous qui êtes si forte, et je dirais même le plus fort de tous les animaux de la mer, rendez-moi donc un service. Ma vache s'est enfoncée dans la boue, à une demie lieue d'ici, et je ne parviens pas la retirer, mais vous, par contre, si forte et si obligeante, vous pourriez bien le faire!
La Baleine fut tellement flattée du compliment qu'elle accepta tout de suite.
- Et bien, dit Compère Lapin, je vais attacher à votre queue le bout de cette corde, et j'irai moi-même attacher l'autre bout à ma vache, et quand tout sera prêt, je battrai du tambour. Vous n'aurez qu'à tirer bien fort, car elle est enfoncée très profond dans la boue.
- Mouh! dit la Baleine, allez seulement, je la retirerai bien, même si elle était enfoncée jusqu'aux cornes!
Compère Lapin attacha la corde autour de la Baleine, et sautant, hop! hop! hop ! Il alla alors trouver l'Éléphant.

- Oh! s'il vous plaît, puissant Compère Éléphant, dit-il, voudriez-vous me rendre un immense service ?
- Qu'est-ce que donc ? demanda l'Éléphant.
- Ma vache est enfoncée dans la vase, à une demie lieue d'ici, et je ne peux pas l'en retirer. Naturellement, pour vous, ce sera facile, puisque vous êtes si fort, et je dirais même me plus fort de tous les animaux de la terre. S’il vous plaît, je connais votre bon cœur.
- Certainement, certainement, dit l'Éléphant avec condescendance, tout en balançant sa trompe.
- Alors, voilà, dit Compère Lapin, je vais attacher le bout de cette longue corde autour de votre trompe, et l'autre bout autour de ma vache et, aussitôt que, ce sera prêt, je battrai du tambour. Alors, vous tirerez, tirerez, tirerez, aussi fort que vous le pourrez.
- N'aie pas peur, dit Compère Éléphant, elle serait aussi grosse que vingt vaches que je la retirerais bien.
- J'en suis bien certain, dit Compère Lapin. Ne tirez seulement pas trop fort en commençant.
Il attacha solidement la corde autour de la trompe de l'Éléphant et courut se cacher dans les buissons. De là, il se mit à battre du tambour.

La Baleine commença à tirer sur la corde et l'Éléphant commença à tirer de même. La corde se tendit, se tendit, jusqu’à devenir toute raide.
- Voilà une vache remarquablement lourde, dit l'Éléphant, mais je l'aurai bien! Et il appuya ses pieds contre un arbre et donna une énorme secousse.
- Quelle affaire! dit la Baleine. Cette vache doit être au fond de la terre! Et elle tira de plus belle.

Chacun tirait de son côté, mais bientôt la Baleine se sentit entraînée vers la terre, parce qu’à chaque fois que l'Éléphant tirait sur la corde, il l'enroulait autour de sa trompe.
Elle fut tellement en colère de ne pas parvenir à sortir la vache de Compère Lapin qu'elle plongea dans l’océan, plouf! plouf! tête en avant, jusqu’au fond de la mer! La secousse fut si violente que les pieds de l'Éléphant furent arrachés de la terre, et qu’il glissa jusqu'au rivage. Il était terriblement en colère, et donna une telle secousse qu'il amena la Baleine hors de l'eau.
- Qui me tire ? mugit-elle.
- Qui me tire ? trompetta l'Éléphant.
Et chacun d'eux vit l'autre avec la corde enroulée autour de son corps.
- Je vous apprendrai à jouer à la vache! rugit l'Éléphant.
- Je vous apprendrai à vous moquer de moi! mugit la Baleine.
Ils se remirent à tirer, tirer, tirer, mais tout à coup, crrrrac! la corde se cassa, et voilà la Baleine rejetée dans la mer avec un grand plouf! et l'Éléphant sur le dos, les quatre pieds en l'air!

Ils furent si honteux l’un et l’autre qu'ils ne voulurent plus se parler, et leur beau projet demeura à l’état de projet. Seul, Compère Lapin rit de l’aventure et qui sait, si derrière son buisson, il ne rit pas encore aujourd’hui.

Conte Antillais

Lapin !... qui ouangue
Ti Pocame
Pat'fin', Grangèl et Groboudin
La pli bel an ba la baille
Araignée, ton cul fait du fil
Crapaulade
Compère lapin et la baleine

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